Le cinquième jour du Ramadhan, Aicha était au rendez-vous avec son gagne-pain comme tous les mercredis. Quand on l'a rencontrée elle était en train d'épousseter les boites aux lettres de l'immeuble. Dernière phase de son travail dans ce bâtiment de 6 étages qu'elle entretient hebdomadairement depuis des années. En nage, elle avait à ses côtés trois seaux d'eau claire, un balai, un frottoir et des serpillères. Elle se dépêchait pour rentrer chez elle en banlieue d'Alger. « On annonce une chaleur torride pour aujourd'hui », dit-elle. Elle s'excuse pour la sueur qui perle sur son visage fatigué. Aicha vient du fin fond de Bordj El Bahri où elle habite dans des chalets. « Nous souffrons, nous qui n'avons pas les moyens d'avoir un climatiseur. En cette période, nous vivons un enfer avec cette canicule. Au moment du f'tour, c'est l'eau qu'on prend pour rompre le jeûne. Après on n'a plus faim ». Elle prend en moyenne quatre bus pour venir jusqu'au Sacré-Cœur. Le visage brûlé par le soleil et le trajet, amaigrie, cette mère illettrée, chef de famille avec un moral et un courage sans limite, devrait être un exemple pour bien des personnes qui geignent pour un oui ou pour un non. Elle se presse à laver le hall de l'immeuble afin de profiter pour le retour, de quelque fraicheur et préparer sa chorba. « Je suis un soldat sans uniforme... », fait-elle remarquer en plaisantant pour dire ses épreuves de femme de ménage et chef de famille.