Les chantiers de construction d'Alger tournent au ralenti. Les maçons et autres manœuvres tentent tant bien que mal d'entretenir un certain rythme d'activité histoire de ne pas paralyser les projets. Mais si certaines entreprises ont aménagé des horaires de travail à leurs employés, d'autres les ont carrément mis en congé. Mohamed est maçon. Un chevronné de surcroît. Son métier est loin d'être une sinécure. Contrairement aux ouvriers avec lesquels il travaille pendant toute l'année dans un chantier de construction à Dely Ibrahim (ouest d'Alger), ce sexagénaire a choisi de faire partie de l'équipe de permanenciers réquisitionnée pour assurer le service minimum durant le mois de ramadhan. Le jeûne, pour lui, ne constitue guère un obstacle pour accomplir convenablement sa mission sans changer de rythme. « Le travail nécessite le sérieux et la volonté et non pas un ventre plein », répond-il, tout en continuant à mélanger avec sa truelle le béton. Il n'est surtout pas question, pour lui, de perdre du temps. « Le travail pour moi est sacré tout comme le ramadhan », dit-il. Un des responsables de la promotion immobilière, Abdenour Djaarfri affirme que Mohamed est toujours ponctuel. « Il arrive au chantier à 8 heures du matin et il ne repart chez lui qu'à 14 heures », note-t-il. Ce sont les horaires de travail fixés par l'administration. L'équipe de permanenciers est constituée de 8 ouvriers, dont le jeune Sofiane. Contrairement à Mohamed, ce dernier semble fatigué. Pourtant, Sofiane est un couche-tôt. « Nous ne pouvons pas veiller le soir. Les soirées du ramadhan n'existent pas pour nous. Nous devons dormir tôt pour se réveiller en forme et pouvoir travailler le lendemain », dit-il en avouant qu'il attend l'heure de la sieste avec impatience. Un état d'esprit qui n'échappe pas à M. Djaafri. Son entreprise a décidé d'envoyer pratiquement tous ses ouvriers en congé durant le ramadhan. « Par expérience, nous avons constaté que pendant ce mois, le rendement des ouvriers chutait. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que nous leur avons laissé le choix entre travailler ou bénéficier d'un congé », a-t-il précisé. Sans surprise, les travailleurs ont sauté sur l'occasion d'autant que la plupart d'entre eux sont issus de l'intérieur du pays. Selon M. Djaafri, le rendement des ouvriers tombe de 30% durant cette période. Les permanenciers assureront, quant à eux le travail, durant la première quinzaine du mois et une autre équipe viendra les remplacer. Selon le même responsable, ces deux équipes sont mobilisées pour effectuer des bricoles sans plus. « Les travaux reprendront avec un rythme plus soutenu après le ramadhan », précise-t-il. Mais ce système n'est pas appliqué partout. D'ailleurs, pas très loin du chantier des Quatre-vents un autre est en activité. Celui-ci est dirigé par des promoteurs libanais. Les ouvriers sont à pied d'œuvre bravant la chaleur torride. Pas question pour eux de s'arrêter ne serait-ce qu'un moment pour parler à des journalistes. « Revenez après 15h », lance le directeur du chantier. N'empêche pour les ouvriers qui s'y activaient, le travail durant le ramadhan n'est pas trop pénible. « Il suffit de bien se protéger contre le soleil », lance l'un d'eux. Dans la commune de Bachdjarah, un chantier est en cours pour la réalisation d'une extension d'un marché communal. Les ouvriers ont opté pour un autre procédé. « Nous avons préféré travailler après la rupture du jeûne et jusqu'à une heure tardive de la nuit pour éviter la chaleur. Il nous arrive de travailler jusqu'au moment du s'hor (l'Imsek) », indique un jeune maçon en ajoutant que « quand le ventre est plein ... la tête chante ». Un adage qui ne s'applique certainement pas à Mohamed, le sexagénaire.