Karim Dellouche, 48 ans est un artiste pas comme les autres. Il a exposé tout récemment (l'exposition a pris fin ce 17 juin) une dizaine de toiles au centre culturel français de Constantine. En promenant notre regard sur les tableaux de son exposition « Formes et couleurs, d'expression libre», nous sommes tombés sur Karim qui guettait discrètement les va-et-vient des visiteurs, histoire de causer un peu de ses créations. Le genre abstrait est fulgurant, on ressent très vite la vigueur du pinceau, des formes fraîches et du contraste sombre et claire des couleurs. Au fil des formules de politesse, la discussion s'enchaîne bien évidemment sur le sens des toiles proposées mais pas seulement. Car, avec lui on discute de tout : peinture, sculpture, philosophie, littérature, cinéma, mouvements associatifs, football (coupe du monde oblige) et surtout de musique. Le CV de Dellouche est d'ailleurs impressionnant. Noyé dans les plaisirs de l'art dès la fin des années 70, il manie des doigt qui gardent encore les traces d'un savoir-faire rare. Car loin de tout jugement téméraire. La carrière Karim est un comble de réussite. Jouer de la guitare, manipuler soigneusement le pinceau ou même modeler et polir les sculptures, sont des exercices qui n'ont aucun secret pour lui. L'imagination est là, elle se déverse et se lit sur ses créations pour cet autodidacte qui n'a pas fréquenté l'école des beaux arts mais celle de la vie : «J'ai défié les écoles des beaux arts. Je n'aime pas tout ce qui est conformiste et officiel dans le sens artistique. Normalement, l'art doit être une activité courante exercée par tous. Je vis dans un monde existant, avec les problèmes et les sentiments qui m'entourent. J'ai longtemps fait du bénévolat et j'ai donné beaucoup à la société. Et ce que j'attends, c'est l'encouragement sincère qui m'inspire et m'équilibre». Voilà un chouette type qui ne veut que du bien au monde qui l'entoure. Mais choisir la peinture pour communiquer ses envies et ses visions est hélas qu'une vague chimère pour une société qui a perdu et qui perd encore beaucoup dans les valeurs universelles de l'art. Difficile de peindre dans un monde hostile, particulièrement quand on travaille et qu'on ne reçoit rien : «Ce n'est pas tout le public constantinois qui me comprend. J'étais marginalisé pendant des années parce que justement j'ai voulu suivre mon propre chemin». En parlant de Constantine, la ville lui a rendu hommage le 8 juin dernier à l'occasion de la journée de l'artiste. Au delà de ces récompenses, Dellouche reste un partisan des idées non «préfabriquées», celles qui sortent spontanément du cœur et de l'imagination. Il nous pousse d'ailleurs à confirmer l'idée qu'il est un artiste remarquablement doué, parfois même étonnant, vu qu'il se distingue des autres peintres par une «philosophie» originale de façonner ses tableaux. Répétons le encore une fois : il ne fait rien comme les autres : «J'intitule des thèmes d'expositions mais je ne donne pas de noms à mes toiles. Je trouve que ça ne sert à rien et puis un titre limite votre imagination. Dans mes toiles, il n'y a pas de satisfaction mais du plaisir. Quand on est entouré du néant on ne peut rien peindre». Aussi, pour faire un peu chic et sortir du lot, Karim a-t-il d'abord animé un concert de jazz le jour de son exposition, puis il a permis au visiteur de son exposition désireux d'inscrire un commentaire, de faire cela dans un livre d'or assez particulier, puisque un tableau blanc de plus d'un mètre est placé à côté des toiles. Partageant sa vie avec de nombreuses formations musicales constantinoises de rock ou de blues, Karim est aujourd'hui fondateur du trio de jazz KOG, et il arrive aisément à marier les couleurs, les formes et les notes de musique. Une activité que peu de peintres font et qui demande beaucoup d'amour : «Je ne cesse jamais de réfléchir parce qu'il y a la musique en moi. Dans mes peintures il y a du jazz, parce que c'est une musique d'improvisation. C'est comme un défi pour moi de jouer le jazz et de peindre en même temps». Enfin Karim Dellouche promet qu'il tentera de peindre sa ville natale, Constantine, mais avant cela l'artiste sera à Jijel aujourd'hui 20 juin à l'occasion du 5ème salon national de l'artisanat pour exposer et jouer son art.