Les Ath Yenni sont traditionnellement d'excellents bijoutiers. Leurs bijoux en argent ont toujours été appréciés bien au-delà des limites de la Kabylie. C'est le cas de Youcef Nemchi qui tient une boutique au Bois-des-Arcades, Riadh El Feth, à Alger. Présent à l'exposition de l'artisanat traditionnel qui s'est tenu du 04 au 20 Octobre dernier au Bastion 23, l'artiste dévoile son amour pour ce métier ainsi que le secret de son succès. La particularité du bijou kabyle, avons-nous appris, est la présence d'émaux de différentes couleurs (bleu, vert, jaune) qui contrastent avec le rouge vif du cabochon en corail serti. L'émail est une poudre qui se compose en général de sable, de minium, de potasse, et de soude finement broyés. La technique de l'émaillage est réalisée en prenant soin de délimiter les parties à teindre en soudant des fils en argent. L'artisan est un orfèvre, il a une très grande connaissance de son travail allant jusqu'à obtenir de très subtiles variantes de couleurs. Partant de son entourage, le grand-père paternel Messaoud Nemchi perpétua cette tradition en remettant le flambeau au père Mohamed, lequel a su sauvegarder l'héritage avec toute la passion voulue. A son tour, Youcef Nemchi va assurer la relève à l'âge de 12 ans pour arriver aujourd'hui à s'imposer dans cette activité en introduisant l'innovation et la créativité dans la réalisation des bijoux que portent ses ancêtres, tout en préservant le cachet authentique de l'œuvre et l'identité culturelle de la région. Dans son petit atelier, il crée de véritables fibules en argent massif agrémentés de corail rouge, d'émaux bleus, verts, jaunes, de forme triangulaire ou circulaire, de lourds bracelets, des colliers porte-amulettes carrées et émaillées. Notre artiste crée l'originalité en se spécialisant dans la grosse pièce, il réalise donc les bijoux encadrés, mais aussi la première pendule en argent en Algérie. Très actif pour exporter cet art à l'étranger, Youcef Nemchi a déjà participé à plusieurs expositions, la première en 2006 en Belgique, ensuite aux Emirats Unis et enfin en Egypte. Ces expositions ont été un véritable succès, les étrangers sont restés fascinés devant ses bijoux. « Dieu merci, j'ai pu atteindre mon objectif » déclare Mr Nemchi, puisqu'il décroche à deux reprises le premier prix des bijoux kabyles : en 2003 remis par l'ANART (Agence Nationale de l'Artisanat Traditionnel), ensuite en 2012 par la chambre des métiers. Mais cette activité connait de véritables contraintes, affirme notre artisan, depuis les l'année 1988 qui marque le début de la décennie noire en Algérie car la profession n'arrête pas sa chute libre pour diverses raisons. « La baisse de l'activité touristique, la cherté de la matière première, et la majorité des artisans utilise de la résine au lieu du corail, ce qui diminue la qualité du bijou, mais aussi le désintérêt que portent les jeunes à cette activité », explique Y. Nemchi. « Il faut garantir la relève » précise notre artiste, sinon on risque réellement de perdre cette profession qui n'est rien d'autre que le miroir de notre culture et notre identité.