Si le récent épisode sanglant de Béni Walid, subissant les foudres de l'expédition punitive de la ville rivale de Misrata, a consacré durablement le fossé communautaire, la résurgence des tendances séparatistes met en péril un équilibre précaire. Après la prière du vendredi, la ville symbole de l'insurrection menée contre le régime déchu de Mouammar Kadhafi a renoué avec la revendication autonomiste, exhibée vainement en mars dernier. Plus de 1 000 manifestants se sont rassemblés devant l'hôtel Tibesti et ont fait circuler une déclaration exprimant un « plein soutien » au nouveau gouvernement d'Ali Zeidan, et appelant au retour à la constitution de 1951 prônant, sous le règne du roi Idriss el Senoussi, le système fédéral consacrant la division de la Libye en trois régions : la Cyrénaïque (Est), la Tripolitaine (Ouest) et El Fezzan (Sud). La montée au créneau du camp fédéraliste, légitimée par le refus du statut de la marginalisation imposée par le régime de Kadhafi, intervient au moment où le second gouvernement de la transition a, en définitive, reçu la confiance des députés. Une simple coïncidence ? Il reste néanmoins que les autonomistes exigent le statut de capitale économique pour Benghazi disposant en conséquence des institutions clés, telles que la banque centrale, les ministères du Pétrole et des Finances. La contestation s'enracine. Après la levée du siège de l'assemblée nationale, les « thowar » en colère, dénonçant également le retard dans le paiement de leurs salaires, ont rencontré le nouveau Premier ministre pour lui réitérer la demande de changement de la composition du gouvernement partiellement contestée. Au moins 5 titulaires de portefeuilles ministériels, dont les Affaires étrangères et les Affaires religieuses, suspectés de liens avec l'ancien régime, sont au cœur de la tempête qui a failli emporter un édifice aussi fragile, soutenu par la majorité relative des 200 parlementaires (105 votes favorables) et soucieux de promouvoir un consensus national représenté par la participation des principales forces politiques et des indépendants aux commandes des ministères de souveraineté. L'enjeu est immense : la formation d'une armée et de la police érigée en « priorité des priorités ». Le nouveau Premier ministre, qui cultive le profil idoine de « zéro contact, zéro compromission » avec l'ancien régime, réussira-t-il la délicate mission de la démilitarisation des milices bien équipées et régnant en maîtres absolus, de la Cyrénaïque (la brigade du 17 Février, la plus puissante, avec 3 000 hommes, dirigée par le frère musulman Youssef El Mangoush, celle de Derna des radicaux islamistes et la brigade Rafa Allah Al Chaheti commandée par le frère d'Al Sallebi, le mentor de l'islamisme libyen installé à Doha) à la Tripolitaine (le conseil militaire de Zenten formé de la brigade du même nom et de Djebel Nefoussa) ? L'avenir de la nouvelle Libye en dépend.