Des chercheurs venus d'Algérie, mais aussi d'Europe et des pays du Maghreb se pencheront sur les modalités qui président à l'ouverture de l'audiovisuel. « L'organisation de ce secteur, a affirmé le ministre, est une partie de la concrétisation des réformes politiques contenues dans le discours à la nation du président Bouteflika le 15 avril 2011 ». Le monde de la communication a connu un profond bouleversement, qui nécessite une adaptation pour « renforcer la liberté d'expression et le pluralisme, et protéger les droits de l'Homme et les libertés », a-t-il ajouté. Mais celles-ci, dira le ministre, ne devraient pas être sans limites. « L'ouverture de l'audiovisuel au privé comme service public passe par une mise en œuvre progressive, conformément à des règles éthiques et professionnelles pour permettre l'émergence d'une presse de haut niveau dont les professionnels croient à une limite de la liberté qui est la responsabilité », a martelé le ministre, rendant hommage aux confrères assassinés. Mohamed Saïd a reconnu que « l'évolution de la presse audiovisuelle n'a pas connu le rythme de la presse écrite, car le pays a connu une période où la priorité était au rétablissement de la paix et de la sécurité ». Il a plaidé pour un secteur fort et compétitif et s'est engagé à soutenir celui-ci. Il a bien résumé en une question abrupte la problématique du colloque. Comment et pourquoi s'ouvrir ? La libéralisation ne se fera pas sans garde-fous. « On tiendra compte des valeurs morales de notre peuple et la préservation de l'identité et de l'intégrité nationales, et de la diversité culturelle et linguistique qui caractérise notre société », a-t-il précisé. Il rappellera que les médias lourds « relevaient totalement ou partiellement des pouvoirs publics, eu égard à leur influence sur l'opinion publique et que certains pays ont attendu un siècle entier, après la Déclaration de la liberté d'expression en 1881, pour lever le monopole sur les médias lourds ». La première instance de régulation aux Etats-Unis est apparue en 1934. La nécessaire adaptation Dans le sillage des réformes de 1989, la promulgation d'une loi sur l'information en avril 1991 a constitué un tournant. Celle-ci a été à l'origine de la naissance de journaux privés, mais le secteur de l'audiovisuel, malgré la mise en place d'un Conseil supérieur, n'a pas connu une mutation profonde. L'Algérie est demeurée en retrait et demeure l'un des rares pays à ne pas s'ouvrir sur des radios et de télévisions privées. Dès la première communication, le ton a été donné. La nécessité de s'adapter aux évolutions technologiques a été mise en avant par le professeur Mostefaoui, enseignant à l'école supérieure de journalisme. « Nous avons avancé, mais nous sommes en retard », a-t-il observé. Dans un langage savoureux, il récusera une ouverture digne « de souk El Harrach dont pâtit la presse écrite ». L'irruption du radicalisme islamiste, les expériences qui ont, un peu partout, donné naissance à des chaînes aux mains des puissances d'argent et contribué à la diffusion d'idées obscurantistes ont différé une évolution inscrite en filigrane depuis le début des années 80, expliquera Badr Eddine Mili. Pour l'homme qui connaît bien le secteur, « les hésitations des pouvoirs publics étaient fondées ». Lors des conférences et des débats, on a beaucoup parlé de la nécessité de mettre en place un dispositif de régulation relatif à des domaines aussi variés que le partenariat, les sources de financement, la formation et les modalités de nomination des membres de cette instance. Selon la bonne définition d'Hervé Bourges, « la régulation ne serait pas de la réglementation, ni le gendarme de l'audiovisuel ». Pour l'ancien président de TF 1, avant sa privatisation en 1987, « la médiation est une démarche de conciliation d'intérêts et de principes qui peuvent être divergents ». Les interventions de M. Bourges, de M. Jansen, respectivement anciens responsables du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en France et en Belgique ont détaillé les missions, l'organisation des conseils qui « sont autonomes vis-à-vis des pouvoirs politiques », a précisé le premier. Pour le second, « les conseils de régulation ne devraient pas subir la tutelle des pouvoirs ni s'isoler d'eux ». Une autre intervention a évoqué la transition vécue par les pays de l'Europe de l'Est dont les médias étaient à la solde des régimes avant de vivre une libéralisation handicapée par le manque de formation des journalistes et l'irruption des forces de l'argent. A ce propos, Hervé Bourges dira que « la presse écrite en France est en train de mourir sous l'effet de la peopolisation et du poids de l'argent ». Les interventions de ces éminentes personnalités serviront à enrichir le travail des rédacteurs de la future loi sur l'audiovisuel. Aujourd'hui, trois ateliers se pencheront sur les différents aspects liés à la codification de cette loi qui demeure fondamentale dans le fonctionnement de tout Etat soucieux de la promotion de la démocratie et du pluralisme.