Ezzedine al-Dawla, un ministre sunnite, membre du bloc laïc Iraqiya, annonce sa démission en pleine manifestation à Baghdad contre le gouvernement de Nouri Al-Maliki. « Je ne peux en aucun cas continuer à faire partie d'un gouvernement qui ne répond pas aux attentes populaires », dit-il. Il est le second ministre d'Iraqiya à le faire en huit jours. Même si sa démission reste dépendante, selon la télévision d'Etat, à une enquête sur « ses violations financières et administratives » et à un mandat d'arrêt contre lui. Rafeh al-Issawi, son collègue des Finances, a remis le tablier le 1er mars au cours d'une manifestation dans la province d'Anbar. « Ces démissions prouvent qu'une solution à la crise n'est pas pour bientôt », estime l'expert politique, Ihsan Al-Shammari, redoutant une implication de l'Irak dans le conflit syrien. « C'est le début assuré d'une explosion majeure de violences confessionnelles », dit-il. Iraqiya et d'autres forces politiques dénoncent un exercice autocratique du pouvoir de la part de M. Maliki. On cite sa mainmise sur les ministères de l'Intérieur et de la Défense, sans pour autant empêcher les attentats, le blocage de plusieurs projets de loi au Parlement par l'Alliance pour l'Etat de droit, sa formation. Iraqiya s'agite au Parlement aussi. Ses députés accusent Al-Maliki de ne pas respecter les ententes passées. Selon Hassan Al-Sheikh, un des dirigeants du bloc, les députés ont entamé une discussion sur le comportement à adopter à l'avenir. Depuis l'arrestation en décembre de gardes du ministre des Finances, la grogne de la minorité sunnite (25% de la population) s'est amplifiée. Des milliers de personnes, en particulier à Anbar, Tikrit, Kirkouk, Samarra, Falloujah, Mossoul et Baghdad, qui s'estiment « marginalisées » par le Premier ministre chiite, manifestent contre la politique de Nouri Al-Maliki. Ils réclament son départ, la libération des prisonniers injustement incarcérés et l'abrogation de lois antiterroristes dont ils feraient les frais. LES KURDES S'EN MÊLENT Face à cette contestation qui s'étend, le gouvernement opte pour la politique du bâton et de la carotte. Il use, depuis le 25 janvier dernier, de balles réelles contre les manifestants, libère des milliers de prisonniers et augmente le salaire des miliciens sunnites de Sahwa, ralliées à la lutte contre al-Qaïda. Et fait les yeux doux aux Etats-Unis. Le 28 février dernier, à Washington, Faleh Al-Fayyah, son conseiller pour la Sécurité nationale, a affirmé aux membres du Center for Strategic and International Studies – un think tank proche des milieux néoconservateurs – que les manifestations sont l'expression « de nouvelles formes de sectarisme » liées à al-Qaïda en Mésopotamie. Pour Al-Maliki, la situation est « alarmante ». « L'Irak, dit-il, est au bord d'une guerre interconfessionnelle que personne ne remportera ». Les sunnites, qui protestent aussi contre « l'ingérence » iranienne dans leur pays, ne sont pas les seuls à lui en vouloir. Les Kurdes aussi. Leurs députés ont boycotté jeudi au Parlement, à l'instar des sunnites, l'adoption du budget de 119,1 milliards de dollars pour 2013. Les élus kurdes accusent Baghdad de ne pas rémunérer correctement les compagnies pétrolières étrangères implantées dans leur région. « Le gouvernement a accepté d'insérer 750 millions de dollars au budget pour les sociétés étrangères, mais nous réclamions 4,5 milliards de dollars », s'insurge la députée kurde Ala Talabani. Même les Américains s'insurgent contre Al-Maliki. Selon un rapport au Congrès rendu public, mercredi, les résultats des 60 milliards de dollars dépensés pour la reconstruction de l'Irak par les Etats-Unis sont loin d'être à la hauteur. « Près de 40% des projets ont souffert de déficiences majeures ».