Formé par la troïka (Ennahdha, Congrès pour la République et Ettakatol) et des « indépendants » placés à la tête des ministères de souveraineté (Intérieur, Affaires étrangères, Justice et Défense), cet exécutif obtiendra sans mal la majorité absolue, le parti islamiste ayant, à lui seul, 98 des 217 sièges. Comme missions, il en aura deux : la première, la finalisation de la rédaction de la nouvelle Constitution avant le 27 avril et son adoption au début de l'été prochain, la seconde, l'organisation des élections présidentielle et législatives, le 27 octobre prochain, selon Mehrezia Labidi, la vice-présidente de l'ANC. Autrement dit, de nouvelles institutions seront en place avant le 14 janvier 2014, date du 3e anniversaire de la « révolution du Jasmin ». Mais comme pour faire passer la nouvelle Constitution pré-requise pour les prochaines élections générales, le gouvernement doit obtenir l'aval des deux tiers des députés, cette mission est quasi impossible de l'avis de plusieurs observateurs tunisiens. La raison ? Aucun des calendriers annoncés à l'ANC n'a été respecté, car Ennahda et les autres formations politiques, sont « incapables de se mettre d'accord sur le futur régime politique de la Tunisie. Le parti de Rached Ghannouchi veut un régime parlementaire exclusif. Les partis, y compris le CPR du président Moncef Marzouki et Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar, ses alliés au pouvoir, plaident pour un régime présidentiel amendé. Ce dialogue de sourds bloque la mise en place d'institutions stables. Et l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, le 6 février dernier, qui a entraîné la démission du gouvernement de Hamadi Jebali, accentue ce désaccord. Si le parti du défunt Chokri Belaïd « Patriotes démocrates » a annoncé, hier, sa décision de saisir le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU sur ce crime, car « l'enquête n'avance pas comme il se doit », sa famille accuse ouvertement Ennahdha. Outre ces « missions », le prochain gouvernement aura à gérer la dégradation de la situation économique, l'escalade des troubles sociaux, la hausse du taux de chômage et la situation sécuritaire, marquée par les violences perpétrées des salafistes. Marzouki et Ben Jaafar demandent à la classe politique qui doute de la troïka et de la « neutralité » des ministres indépendants de cesser ses « tiraillements ». « Il faut renoncer aux intérêts partisans étroits même si cela veut dire faire des sacrifices, reculer. C'est dans l'intérêt des Tunisiens. Notre peuple est patient, mais la patience a des limites, on doit s'occuper de ses problèmes », affirme le président de l'ANC, samedi à Tunis, lors d'un rassemblement prévu à l'origine pour défendre les droits des femmes. Plusieurs centaines de personnes ont scandé des slogans anti-gouvernementaux et critiqué la composition de l'actuel exécutif. « Le peuple veut la chute du régime », ont réclamé les protestataires.