Les commerçants de détail ont de plus en plus du mal à accepter les conséquences de l'absence de facturation et de chèques bancaires dans les transactions commerciales. En fait, ils sont pris entre deux feux, confie Hadj-Tahar Boulenouar, porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). « D'un côté, leurs fournisseurs refusent de facturer les marchandises. D'un autre, si les détaillants exigent des factures, les grossistes les menacent d'augmenter les prix des marchandises », signale-t-il. Résultat : le détaillant se retrouve ou bien sans factures ou bien avec des produits qu'il est obligé de vendre plus cher. « Dans les deux cas, c'est lui qui aura droit aux procès-verbaux des contrôleurs », ajoute M. Boulenouar, en précisant que dans les deux cas, les commerçants risquent soit un PV, soit la fermeture de leurs locaux. Le porte-parole de l'UGCAA déplore aussi, que les opérations de contrôle se fassent uniquement au niveau des commerçants de détail et jamais au niveau des grossistes, des producteurs ou des importateurs. « Si l'obligation de la facturation et des chèques bancaires est appliqué comme stipulé dans la loi des Finances 2010, le contrôle ne se serait pas arrêté au niveau des détaillants mais remonterai à la source, aux producteurs et importateurs. Car les grossistes eux-même ne reçoivent pas de factures de la part de leurs fournisseurs », affirme-il, en indiquant que 70% des transactions commerciales, dans les produits de consommation et des services, se font sans facturation. Chose que confirme M. Saeid, grossiste en produits alimentaires au marché de gros d'El Harrach. « Les importateurs ne nous fournissent jamais de factures et nous faisons de même avec nos clients », affirme-t-il avant de lancer : « Pourquoi facturer les transactions puisqu'il n'y a pas de contrôle ? Cela nous évite, en plus, de payer la TVA ». Heureux qui comme un grossiste de SemMar En tout cas, la non facturation fait le bonheur des grossistes du marché de gros de Semmar. Des milliards de dinars y circulent tous les jours sans jamais passer par le trésor. Et dire que Semmar est la commune la plus pauvre d'Alger ». Cela arrange, évidemment, constate M. Boulenouar, les barons de l'informel, du blanchiment d'argent et les importateurs. « Ces derniers, par exemple, n'utilisent pas les chèques bancaires pour ne pas afficher le prix réel d'achat et de vente des marchandises d'une part, et pour fuir les services des impôts, d'autre part. Quant aux barons de l'informel, la non-facturation leur permet d'écouler en toute tranquillité leurs marchandises contrefaites ou avariées », signale-t-il, en appelant également à la révision du système bancaire et fiscal, afin de faciliter l'utilisation de la facturation et des chèques bancaire. Une application à laquelle a appelé, récemment, le gouverneur de la Banque d'Algérie, rappelle M. Boulenouar, ainsi que le ministère du Commerce. C'est la seule solution, dit-il, pour affaiblir le marché informel, la contrebande, renforcer la protection des consommateurs et garantir une entrée financière réelle au Trésor. Toutefois, selon M. Boulenouar, si la facturation est appliquée, cela risque d'entrainer une hausse des prix des produits alimentaires, notamment. « C'est à cause de cela, d'ailleurs, que l'utilisation de la facturation et des chèques bancaires a été reportée à plusieurs reprises. Pour le moment, les pouvoirs publics ferment les yeux. Mais cela ne durera pas », conclut-il.