Le ministre de la justice, Mohamed Charfi, a instruit les magistrats chargés de l'examen des affaires liées à la violence à l'égard des enfants de « durcir les sanctions et d'appliquer avec rigueur les textes de loi en la matière à l'encontre des auteurs d'actes criminels contre les mineurs ». C'est qu'a indiqué, lundi, Mebarka Sekhri, juge et directrice des études au ministère de la Justice. La magistrate a rappelé que le projet du code pénal prévoit également un article qui poursuit des personnes pour non-dénonciation de crime contre un enfant. La magistrate s'exprimait lors de l'ouverture d'une journée d'étude sur la protection juridique et judiciaire des enfants victimes d'actes criminels, organisée, lundi, à Alger en coordination avec le réseau Nada. Des magistrats, dont des juges des mineurs, des cades des services de sécurité, des psychologues, des médecins, des représentants de la société civile, ont participé à cette journée, en présence de plusieurs enfants qui ont assisté aux débats et qui ont même exposé leurs préoccupations. « Cette journée se veut un espace de sensibilisation sur les dangers qu'encourent nos enfants, et de détermination des responsabilités », précise Mme Sekhri avant de s'interroger : « est-ce que les droits fondamentaux de nos enfants sont respectés et appliqués ? » La représentante des enfants participants, Amina Merabtia, une fille âgée de 13 ans, lui répond : « on réclame nos droits, ceux de vivre en paix et d'être protégés. Nous sommes des personnes fragiles et la société doit faire de notre situation une priorité. Et vous, les adultes, vous ne devez pas permettre les violences contre nous », a-t-elle plaidé en appelant à agir parce que « le silence encourage la violence ». En effet, les intervenants ont déploré l'absence de textes juridiques instituant l'obligation de dénoncer toute forme de violence contre les enfants. Pourtant, le code pénal punit les atteintes à leur l'intégrité. Mais la loi du silence pèse lourdement sur la famille. Dans son intervention sur « Le statut de l'enfant dans la société algérienne », Slimane Medhar, professeur à l'université d'Alger et docteur en psychologie sociale, a expliqué que la famille algérienne est incapable de prémunir ses éléments faibles, qui sont les enfants, contre, notamment, les sévices, surtout sexuels. « On cache les problèmes et on les ignore, la famille algérienne n'a jamais traité les problèmes et leurs origines », a relevé le conférencier. Les enfants n'ont pas droit à la parole Revenant sur le système social traditionnel, le professeur a estimé que l'enfant est dépossédé de son énergie, surtout sexuelle, par son groupe d'appartenance qu'est sa famille. Plus explicite, il a signalé que l'enfant, à partir de l'âge de 4 ans, construit son image corporelle. « Il touche tout, sauf son sexe comme s'il porte un organe qui ne lui appartient pas. L'enfant n'a pas droit à la parole, même quand il fait l'objet de violence », explique le sociologue. Pour lui, la famille a provoqué, par ces pratiques, la destruction des valeurs. « Il suffit de frustrations, d'un déséquilibre, pour que l'enfant, une fois adulte, commette lui aussi des dépassements ». Selon lui, il existe trois types de violence, dont la plus importante, la violence sociale. « Tout le monde subit cette forme de violence. Elle est la plus complexe puisque tout le monde y participe et tout le monde la subit. On est auteur et victime en même temps », a-t-il souligné. Mme Yakout Arkoun, professeur à la faculté de droit de Ben Aknoun et à l'école supérieure de magistrature, a soulevé l'importance du rôle de la famille dans la protection des enfants. « La famille devrait être garante d'un bon départ dans la vie pour les enfants, elle doit construire un adulte harmonieux et un citoyen heureux », souligne la conférencière. Malheureusement, « le nid d'amour s'est transformé en enfer », déplore-t-elle. Sentence : la famille moderne est l'endroit ou l'on enregistre la grande majorité de viols et d'homicides. Ses enquêtes ont dévoilé que les pires violences sont commises par les parents. Dans ce contexte, elle a recommandé la nécessité de protection des enfants. « La protection est une obligation de la famille, il s'agit de l'obligation de surveillance, surtout que la rue est un concurrent de la famille. Les membres de la famille doivent dénoncer tous les sévices infligés à l'enfant, y compris au sein de la cellule familiale », estime-t-elle.