La Turquie d'Erdogan s'installe dans la contestation permanente. Au 11e jour de la fronde de Taksim, arc-boutée sur l'exigence de la défense du parc Gezi promis à la destruction, les manifestants ne désarment guère. Dans la place emblématique stambouliote, proche symboliquement de la mythique Tahrir, au cœur d'Ankara et à Izmir, la protestation, incarnant la peur de l'islamisation de la Turquie, vire nettement à la remise en cause de la gouvernance menée par le chef du gouvernement, Tayyip Erdogan, néanmoins, déterminé à trancher dans le vif pour mater les manifestants assimilés à des « pillards », des « extrémistes » et des « vandales ». Dressées en camps rivaux, les deux parties campent plus que jamais sur leurs positions. Le secrétaire du collectif Taksim Solidarité, Akif Burak Atlar, avoue son scepticisme sur la normalisation de la situation rendue explosive par la méthode brutale d'Erdogan qui a mené, selon lui, « la contestation aussi loin ». Une seule issue est possible. « Il doit faire machine arrière...et reconnaître les exigences de la population », a précisé Atlar. Mais, le chef du gouvernement ne veut pas lâcher du lest et bat le rappel de ses troupes pour faire échec au « complot organisé à l'intérieur et à l'extérieur ». Son parti, l'AKP, a programmé deux réunions publiques prévues, l'une, samedi prochain, à Ankara, et l'autre, le lendemain à Istanbul pour lancer la bataille des municipales de 2014. La « leçon de démocratie », que le chef de gouvernement compte administrer aux opposants, fonde l'un des aspects de la contre-offensive contre « ceux qui ne respectent pas le parti au pouvoir (et) en paieront le prix ».Cette stratégie de tension fait craindre le pire. Par delà le bilan (3 morts et 5 000 blessés) lourd, le risque d'escalade est sérieusement appréhendé. De Turquie, la voix respectée du prix Nobel de littérature, Orhan Pamuk, crie le désarroi de l'illustre écrivain inquiet de l'absence de « signes d'un dénouement pacifique » et affirmant sa compréhension de la « façon de protester des gens ». Le coup sévère porté au modèle de stabilité turc a fragilisé le gouvernement Erdogan critiqué par ses alliés américains et européens dénonçant la brutalité de la répression policière et appelant, comme le souligne la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, à « une solution rapide » de la crise turque.