Associant les paroles à l'action, le gouverneur leva une armée qui se rassembla derrière la Porte de Saint-Thomas. Il donna l'ordre aux archers de se positionner sur la muraille et de faire pleuvoir leurs flèches sur les troupes de Shurahbîl, afin de les éloigner de la Porte. Après quoi, cinq mille cavaliers déferlèrent hors de Damas et chargèrent l'armée musulmane à laquelle ils causèrent de sérieux dégâts. Néanmoins, l'armée de Shurahbîl supporta l'assaut et ne fut pas mise en déroute. Nullement découragé, Thomas organisa une deuxième sortie nocturne de grande envergure contre les Musulmans. Cette fois-ci, la garnison byzantine lança une attaque simultanée par plusieurs portes. Thomas plaça d'ailleurs le gros de ses troupes du côté de la Porte de l'Est, celle assiégée par Khâlid, afin de l'empêcher d'aller au secours de Shurahbîl. L'assaut fut lancé à minuit, et les combats se poursuivirent jusqu'au petit matin. Mise en déroute, l'armée byzantine fut appelée par Thomas à se retirer à nouveau derrière les murs. Khâlid ne dort ni ne laisse dormir C'est par cette formule que les chroniqueurs musulmans décrivent l'attitude de Khâlid lors du siège de Damas. Guettant le moindre mouvement ennemi, de jour comme de nuit, Khâlid ne s'accordait et n'accordait à ses troupes que très peu de repos. Il voulait un éveil permanent au cas où se dessinerait une brèche dans la défense byzantine. Ses espions, véritable service de renseignement, lui rapportaient tout ce qui se déroulait à Damas, et ce, d'autant plus facilement qu'une partie de la population, opprimée par les autorités byzantines, était favorable à une prise du pouvoir par les Musulmans. Il apprit ainsi que la garnison byzantine était conviée à une fête donnée par le Patriarche de Damas, en l'honneur de la naissance de son fils. Les soldats byzantins, profitant de l'aubaine, burent beaucoup de vin jusqu'à s'enivrer. Nombre d'entre eux quittèrent leurs positions. Prévoyant, Khâlid se fit livrer par un monastère conquis à sa cause, près duquel il campait, des échelles et des cordes pour grimper sur les murailles de la cité. La nuit tombée, le commandant musulman et ses hommes traversèrent à la nage la douve qui entourait les murs. Un petit nombre d'entre eux grimpa ensuite en haut de la muraille puis ouvrit la Porte de l'Est au reste des troupes de Khâlid. S'écriant "Dieu est le plus Grand !" à plusieurs reprises, les soldats musulmans attirèrent l'attention des Byzantins qui ne purent que constater la présence de l'armée musulmane au cœur même de la ville. Ils s'empressèrent alors d'ouvrir les autres portes et de signer la paix avec Abû `Ubaydah, qui n'était pas encore au courant que Khâlid avait réussi à pénétrer dans Damas. Il octroya donc sa protection aux Damascènes. Lorsqu'il apprit l'exploit de Khâlid, il lui demanda de mettre fin aux hostilités, afin que les conditions de paix qu'il avait négociées avec les Damascènes pour les parties de la ville non conquises par la force s'appliquassent également à la partie conquise par Khâlid. Le 5 septembre 635, Damas, la perle de la Syrie, devint ainsi partie intégrante du jeune Etat islamique. Le traité de paix Damas acquit le statut de cité conquise par traité, bien que Khâlid avait pris certains quartiers par la force. Cela avait des incidences notamment sur le butin, une ville conquise par traité ne pouvant donner lieu à du butin, mais à un juste partage des richesses avec les conquérants. Ainsi, sur les quinze églises que comptait la cité, sept revinrent aux musulmans, tandis que la plus grande d'entre elles, la cathédrale Saint Jean le Baptiste, fut divisée en deux parties égales, la partie musulmane allant devenir la future Mosquée Omeyyade. Le traité de paix imposait aux Damascènes de payer une capitation que Abû `Ubaydah avait fixé à un dinar par tête d'habitant et par an, auquel s'ajoutait une certaine quantité de blé, d'huile et de vinaigre, pour l'alimentation de l'armée musulmane. Après la signature du traité, Abû `Ubaydah écrivit à `Umar Ibn Al-Khattâb pour l'en informer. Ce dernier remit en cause les conditions acceptées par les Damascènes, les jugeant pas assez équilibrées socialement. Il ordonna ainsi à ses généraux d'indexer le montant de la capitation en fonction des revenus de chacun, et de ne l'imposer qu'aux hommes capables de la supporter financièrement. Cette décision permettait ainsi de réaffirmer l'objectif de la capitation qui était, pour les non-Musulmans vivant sous autorité musulmane, l'équivalent du service militaire pour les Musulmans. Le service militaire n'étant obligatoire que pour les hommes musulmans aptes à prendre les armes, la capitation ne devait être obligatoire que pour les hommes non-musulmans capables de la payer. `Umar demanda ainsi à ses généraux d'imposer les seuls hommes adultes les plus aisés à hauteur de 40 dirhams d'argent ou quatre dinars d'or par an, auxquels s'ajoutaient 2 mudd (soit environ 1 kg) de blé et 3 qist (soit environ 2,2 litres) d'huile, ainsi qu'une certaine quantité de graisse et de miel. Après cette conquête, qui fut suivie ensuite de celle de Homs puis de Qinnasrîn, c'en fut fini de la présence byzantine en Syrie. L'Empereur Héraclius dut se résoudre à rentrer dans sa capitale Constantinople.