Le mouvement chiite remettra aux autorités libanaises des données qui pourraient impliquer Israël dans l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri et de 22 autres personnes, le 14 février 2005 à Beyrouth. «Tout ce que demande une juridiction du Liban, nous le lui fournirons et ce qu'ils en feront relève de leur responsabilité», déclare Mohammad Fneich, le ministre d'État pour la réforme administrative, précisant que la position de son parti sur le Tribunal n'a pas pas changé. «Nous ne faisons pas confiance à ce tribunal (...) mais nous sommes prêts à donner ces éléments au gouvernement libanais qui décidera» s'il les donnera au TSL ou pas. Si le TSL les ignore, cela prouvera qu'il est politisé», ajoute le représentant du mouvement chiite dans le gouvernement d'union nationale. Le Hezbollah a diffusé lundi dernier, à l'occasion d'un discours de Hassan Nasrallah, son chef, un film israélien de la route côtière que le cortège de Hariri a emprunté entre le Parlement et sa résidence dans la partie occidentale de Beyrouth, qu'il aurait «intercepté». Ces images auraient été prises avant le drame. Même si elles ne sont pas «concluantes», elles suscitent des questionnements. «Quand on prend ce genre d'images, c'est généralement une introduction pour l'exécution d'une opération», estime le chef du mouvement libanais après un «aperçu» sur les espions libanais d'Israël arrêtés depuis 2009. Cette sortie du Hezbollah n'est pas la première. Le 3 août, Nasrallah avait accusé Israël explicitement de l'assassinat de Hariri. Ces propos ont poussé Daniel Bellemare, le Procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) qui a, sur la base de faux témoins, montré du doigt la Syrie, l'alliée du Hezbollah dans l'assassinat du Premier ministre libanais et rappelé qu'il est «l'unique responsable de l'enquête» et que «personne ne peut influencer la direction de son enquête» à demander à M. Hassan Nasrallah de lui transmettre toutes les informations en sa possession et à user de son autorité pour faciliter l'enquête. Selon la presse libanaise, le chef du Hezbollah a, lors de son discours, montré des images aériennes, qu'il a présentées comme des vidéos de reconnaissance réalisées par des drones israéliens entre 1990 et 2005. Elles prouveraient selon lui qu'Israël suivait les mouvements de Rafic Hariri. Le TSL qui doit prononcer ses premières inculpations avant la fin de l'année tiendra-t-il compte de cette vidéo de surveillance du parcours du cortège de l'ancien Premier ministre libanais ? Selon le chef du mouvement chiite, les enquêteurs devraient envisager l'hypothèse selon laquelle Israël aurait commandité l'attentat de Rafic Hariri. «Ce que je montre n'est pas une preuve irréfutable, mais cela ouvre la porte à une telle hypothèse. Depuis cinq ans, personne, ni le tribunal de l'ONU, ni l'enquête, ni personne au Liban, n'explore cette piste», déplore-t-il. «Toute allégation qui est basée sur des éléments crédibles (...) sera soigneusement examinée», assure Fatima Issawi,sa porte-parole, suggérant avec des termes voilés un report de la date de publication de l'acte d'accusation, prévue fin 2010. «Elle dépendra du moment où le procureur estimera qu'il existe des preuves suffisantes», dit-elle. Israël qui a selon les images diffusées «filmé plusieurs fois et sous différents angles la route empruntée par Hariri» botte en touche. Fort de son statut d'intouchable, il sait que le Hezbollah est condamné avant d'être jugé. «L'acte d'accusation israélo-américain ciblant la résistance, diligenté par le TSL, est déjà fin prêt et sa publication n'est retardée que pour des raisons de convenance», estiment les Libanais qui craignent ouvertement l'exploitation du tribunal à des fins autres que celles pour lesquelles il a été créé. C'est-à-dire remettre le feu aux poudres dans le pays qui a vécu la plus grande guerre civile du 20e siècle.