La Thaïlande de la « dynastie des Thaksin », symbolisée par le milliardaire rouge déchu acquis à la libéralisation économique et une politique de justice sociale en faveur des couches démunies du monde rural (Nord,Est), connu sous l'appellation les « chemises rouges » qui constituent la base sociale du régime, est viscéralement contestée par la coalition hétéroclite représentée notamment par le Parti démocrate, dirigé par Suthep Thaugsuban, et les « chemises jaunes » qualifiant le mouvement royaliste de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD). Présenté comme une menace pour la monarchie, le « système Thaksin », passé aux mains de la Première ministre, Yingluck Shinawatra, la sœur de l'ancien Premier ministre en exil, est la cible privilégiée du parti démocrate, battu à plate couture depuis 20 ans dans les élections au niveau national, implanté majoritairement à Bangkok et dans le sud du pays et comptant dans ses rangs les milieux de la bourgeoisie et des grands planteurs d'hévéa du sud. Le bras de fer, rééditant le coup de force de 2008, a instauré un climat quasi-insurrectionnel pour tenter une nouvelle fois de déloger le gouvernement assiégé. Depuis fin novembre, le mouvement de désobéisance, lancé par l'un des porte-parole du mouvement, l'ancien vice-Premier ministre Sutep Thaugsuban, ne cesse de prendre de l'ampleur. Il a été suivi par l'occupation des ministères (Finances, Affaires étrangères, Intérieur, Agriculture, Transports, Sports et du Tourisme) et de la télévision publique pour franchir, il y a quelques jours, un nouveau cap avec une tentative de prendre le siège du gouvernement. A l'origine de la flambée de la contestation, le projet d'amnistie permettant le retour d'exil de l'ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra, néanmoins rejeté par le sénat. Mais, bien au-delà de la trêve observée, depuis mercredi, à la veille du 86e anniversaire du roi Bhumibol Adulyadej, la tension persiste entre les deux camps. Si l'opposition se prépare au bras de fer, en rejetant l'offre des élections et le recours au référendum promis par la Première ministre, le gouvernement n'entend guère céder sur le respect de « la légalité et des normes constitutionnelles » qui ferment la porte à la proposition d'un « conseil du peuple » revendiqué par les manifestants. « Le gouvernement est prêt à dissoudre le Parlement si la majorité le veut », a-t-elle déclaré, hier, lors d'une allocution télévisée, notant que des élections devraient alors avoir lieu dans les 60 jours. Mais, « si les manifestants ou un important parti politique n'acceptent pas cela ou n'acceptent pas les résultats des élections, cela ne fera que prolonger le conflit ». L'impasse qui fait craindre de nouveaux débordements se précise. D'autant que la démission des députés du Parti démocrate et l'appel à une manifestation voulue décisive ne font qu'aggraver la crise dans une capitale bunkérisée et durablement installée dans un climat de violence. Demain, le « jour de jugement dernier », comme l'a proclamé le leader du mouvement de contestation, Suthep Thaugsuban, demandant aux habitants de Bangkok de marcher sur le palais du gouvernement, et aux provinces d'envahir les sièges des gouvernements ? « Si nous ne gagnons pas demain, nous ne rentrerons pas chez nous. Nous rapporterons la victoire à la maison », a affirmé, hier, un autre chef de file des manifestants, Satit Wongnongtauy. Même si le pic de la mobilisation a nettement décliné, la bataille de la dernière chance arrivera-t-elle à faire tomber le gouvernement ?