A une centaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad, des « hommes armés », membres de l'EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant, une filière locale franchisée de la nébuleuse terroriste) et/ou des groupes armés qui se font appeler les « Révolutionnaires tribaux », contrôlent, en marge du mouvement de protestation sunnite contre le Premier ministre chiite Nouri Al-Maliki, accusé d'accaparer le pouvoir, Falloujah et Ramadi, deux villes de la province d'Al Anbar. Majoritairement sunnite, elle s'est imposée comme un haut lieu de la contestation. A l'origine de cette recrudescence de la violence (près de 20 morts déjà), deux décisions du Premier ministre irakien : arrestation samedi dernier d'Ahmed al-Alwani, un député sunnite de premier plan du bloc Irakia et démantèlement le surlendemain d'un camp de protestataires antigouvernementaux à Ramadi. Irritée, une tribu sunnite menace de « mettre l'Irak à feu » si le gouvernement ne libère pas le député sunnite. Pour « stopper » l'escalade de la violence et ramener à de meilleurs sentiments les 44 députés qui avaient présenté leur démission lundi dernier, Al Maliki demande à l'armée de se retirer de Ramadi et Falloujah avant de se raviser. Il a ordonné, mercredi dernier, l'envoi de renforts militaires pour mettre hors état de nuire ceux qui ont profité de la situation pour incendier quatre commissariats, libérer 101 prisonniers et voler des armes et faire face à une « offensive terroriste » qui vise, selon le ministre de l'Intérieur, tout « le peuple irakien ». « Trop, c'est trop », s'écrie l'ancien vice-président irakien Tarek El-Hachémi, avant d'appeler les monarchies du Golfe à mettre un terme au pouvoir chiite en Irak. « J'appelle le monde arabe, le monde musulman, les pays du Golfe en particulier, à passer à l'action. Trop de temps s'est écoulé sans que rien n'ait été fait... L'Irak tel qu'il est aujourd'hui constitue un danger pour tous. Vous devez soutenir le changement en Irak », a lancé Tarek El-Hachémi. « L'Irak sombre dans le chaos. Ce qui se passe en Syrie va se reproduire en Irak. Vous devez empêcher cela. Il faut sauver le peuple irakien », ajoute l'ancien vice-président irakien. Comme pour montrer que la police travaille et ne fait pas de discrimination, Al Maliki annonce l'arrestation, à Bagdad, de Wathiq Al-Battat, le chef de Jaych Al-Mokhtar, le groupuscule chiite pro-iranien qui a revendiqué, en novembre dernier, des tirs d'obus de mortier sur l'Arabie saoudite. Si certains analystes mettent en garde Al-Maliki contre sa politique qui pousse la communauté sunnite dans les bras des mouvements les plus radicaux dont al-Qaïda, d'autres redoutent de voir l'Irak, qui a déjà perdu le Kurdistan, devenir la grande arène du bras de fer actuel entre les puissances régionales.