La loi des « thowars » continue de prévaloir dans la Libye de toutes les incertitudes. La proclamation et la décision de prolongation de l'ultimatum de 72 heures, prenant effet le mardi à 19h30 GMT, ont été décrétées par les commandants de groupes armés, en particulier ceux des brigades d'Al Qaaqaa et Al-Sawaek de Zenten (ouest) ordonnant au Congrès général national (CGN) de quitter le pouvoir et menaçant de foudres de guerre les parlementaires récalcitrants. Dans un pays, en proie à l'anarchie et à une instabilité croissante, le diktat consacre la suprématie des groupes armés, censés pourtant intégrer l'armée et les forces de police. Un leadership que nul ne semble contester. Des négociations ont été engagées par le Premier ministre, Ali Zeidan, avec les différents groupes, l'ONU et le CGN pour aboutir à un « compromis » qui autorise, aujourd'hui, la tenue de l'élection des 60 personnalités chargées de rédiger la Loi fondamentale, une loi censée remettre sur les rails la locomotive de la transition. Dans une déclaration à la presse, Zeidan a indiqué que « la sagesse l'a emporté ». Bien plus tôt, le chef de la Mission de l'ONU (Unsmil) en Libye, Tarek Metri, a fait état d'une rencontre avec « des commandants d'un certain nombre de thowars à l'origine de l'ultimatum » pour les convaincre de « donner une chance au dialogue politique » et de favoriser la tenue d'élections générales anticipées. Si le recours à la force a été unanimement condamné, le rôle du CGN, autant contesté et frappé d'impuissance que l'a été son prédécesseur, le Conseil national de transition, place au cœur de la crise la problématique de la gestion de la transition en mal de consensus. Arrivé en fin de mandat le 7 février, le CGN souffre d'un déficit de légitimité pour la réalisation des chantiers attenant au processus électoral. Un accord s'est enfin dégagé pour organiser des élections anticipées. Mais, il reste à établir un calendrier précis et à trouver un consensus sur les priorités à accorder aux institutions parlementaires, présidentielle ou des élections conjointes. De façon plus urgente, les exigences de la constituante se sont imposées en baromètre qui renseignera à coup sûr sur l'implication populaire (1,1 million d'inscrits sur 3,4 millions d'électeurs éligibles) et les conditions sécuritaires de déroulement du scrutin. L'enjeu de la constituante, soumise au choix référendaire, porte sur le nouveau destin de la Libye appelée à trancher les questions fondamentales de la construction de l'Etat national, le statut des minorités et la place de la chariaâ. Conçu sur le modèle de la première constitution de 1951, le Comité des 60, représentatif des trois régions historiques, la Cyrénaïque (est), le Fezzan (sud) et la Tripolitaine (ouest), et garantissant la participation des minorités (2 sièges chacun pour les Toubous, Amazighs et Touaregs et 6 pour les femmes, est le plus court chemin pour sceller la réconciliation libyenne et la sortie négociée de la crise. Un couac de taille : le boycott des Amazighs dénonçant leur « exclusion ». Le Conseil supérieur des Amazighs de la Libye a décrété jeudi (aujourd'hui) « journée noire et de deuil dans les régions » amazighes, en particulier dans l'ouest du pays. Il annonce dans un communiqué qu'il ne reconnaîtra pas la future constitution. Une inconnue : la position du parti islamiste de la justice et de la construction (PJC), quittant, le 21 janvier, le gouvernement de Zeidan et en compétition acharnée avec la formation majoritaire au sein du CGN, l'Alliance des forces nationales (AFN) de Mahmoud Jibril, qui s'oppose à la revendication islamiste d'une constitution ici et maintenant. Plus inquiétant encore : le déploiement de deux unités, parmi les plus armées et les plus importantes en nombre, paradant à Tripoli, et la menace d'un redéploiement brandie par Misrata convoquant son conseil militaire.