La décision de suspendre l'exportation des peaux brutes et cuirs, introduite par la loi de finances complémentaires pour 2010, a fait réagir aussitôt les collecteurs et exportateurs de cette matière qui ont décidé d'abord de se constituer en association pour mieux défendre cette filière. Selon M. Derghini Abdelkrim, de Bejaia, qui a été chargé par ses collègues de mener l'opération et que nous avons rencontré, hier, au siège d'Algex, « il y a un risque de faillite » pour une bonne trentaine de professionnels des peaux et cuirs et surtout « des contrats d'exportation en millions d'euros qui partent en fumée ». La mesure sera effective dans trois mois, à compter de la publication de ladite loi dans le Journal officiel. C'est-à-dire en novembre. Pour le moment, les collecteurs pointent du doigt les tanneurs publics et privés qui auraient « inspiré cette décision » des pouvoirs publics. Leur objectif est de barrer la route à l'exportation des peaux et cuirs sur plusieurs marchés comme l'Espagne, la France, la Turquie qui sont, dit-il, « nos partenaires dans le commerce et la transformation des peaux et cuirs ». La décision intervient dans le sillage de la décision d'exportation des métaux ferreux et non ferreux mais « le contexte est différent », nous a-t-on expliqué. Dans cette filière, c'est la question « du trafic en tous genres qui est à l'origine de la mesure, ce n'est pas le cas des peaux et cuirs », poursuit. M. Derghini. Le but des tanneurs notamment publics - qui sont six actuellement - est de faire « une pression sur les prix » et « nous dicter le niveau des prix qu'ils veulent bien nous offrir », car ces derniers seraient « en situation de monopole ». Ce qui complique la tâche, avec ces derniers, les collecteurs ne semblent pas, sur le plan des relations commerciales, en odeur de sainteté, leur reprochant principalement « de ne pas honorer les factures ». Les exemples de mise de la clef sous le paillasson pour certains collecteurs, rien que pour cette histoire de créances qui s'éternisent, sont légion. La situation n'est pas sans soulever l'inquiétude des familles des collecteurs qui accuseraient, suite à cette suspension, la perte « d'une centaine d'emplois directs ». Il est vrai que les enjeux de ce marché sont plus importants pour les tanneurs qui font, eux, ce qu'on appelle « du white and blue », c'est-à-dire des opérations sommaires de traitement du cuir avant son exportation. Cela leur rapporte entre 20 et 30 millions d'euros contre « deux à trois millions d'euros pour la collecte », nous ont expliqué cependant certains producteurs. Sur un autre plan, le gel va avoir pour autre conséquence, « une augmentation des stocks des peaux et cuirs » que l'on ne pourra placer. Déjà, les peaux provenant de la filière de l'abattage clandestin, qui sont estimées à 20% de la production totale, « ne sont pas éligibles à l'exportation car ne pouvant justifier de certificats sanitaires », déplore-t-on. Avec la naissance de l'Association qui a été décidée, hier, les collecteurs insistent sur leur volonté de « bien défendre la profession », disent certains membres fondateurs et « faire sortir la filière du marasme dans lequel elle risque de s'enliser » par des mesures prises, nous dit-on, par « manque de concertation avec les parties intéressées. » De toute façon, pour les responsables qui ont initié cette « riposte » qui relève plus de la sensibilisation, on ne désespère de « voir les pouvoirs publics se rattraper lors de la confection de la prochaine loi de finances pour 2011 », conclut-on.