Le film, réalisé cette année, par Mohamed Chouikh, a été présenté, jeudi dernier, en avant-première, à la salle El Mouggar. Cette fiction historique dépeint l'histoire d'une quête permanente de l'identité nationale. Un grand nombre de comédiens y participe. Citons Mohamed Benbekrit, Malika Belbey, Bahia Rachedi, Hassan Kechach, Amina Loukil, Nabil Asli, Jean Luis Andugar, Reda Laghouati, Tarek Hadj Abdelatif, Marie et Pedro Delvas. La trame de ce film gravite autour de l'histoire de Salim, fils d'Abu Hamza, juriste musulman, et de Maria Rodriguez, une catholique. Salim quitte Malaga pour Grenade où il achève ses études et devient le plus jeune secrétaire de la reine Aïcha, mère de Boabdil. Après la chute de Grenade, il s'exile avec sa famille et celle de son ami Ishaac, tailleur juif, à Andarach. Il refuse ensuite de suivre Bouabdil dans son exil vers le Maroc. Avec Ishaac, il rejoint les côtes algériennes sur une barque de fortune. A son arrivée, il est recueilli et engagé par un émir puissant comme secrétaire confidentiel de ses trois filles. Il devient son grand intendant et épouse la princesse Mansourah dont il était amoureux. La Reconquista le rattrape à Oran et bouleverse le royaume fragile qui devient le vassal de la couronne d'Espagne. Maitrisant les langues ibériques, il devient l'interprète et l'ami du commandant Martin d'Argotte. Parmi ses multiples fonctions, il est aussi l'allié ou le confident des princes antagonistes et intercède dans les conflits fratricides. Il est au cœur des événements qui vont bouleverser le Maghreb : la Reconquista espagnole et l'arrivée des Turcs. Dans ses bouleversements, il est soutenu par son admirable épouse, Mansourah. Des rivalités, des émeutes et le retour aux sources sont décrits avec dextérité. Amour, passion, paix, trahison, peur, guerre, mort, ont été fortement exprimés. Une salve d'applaudissements a ponctué l'avant-première de ce film qui interpelle l'opinion autour de la connaissance de l'histoire et de l'identité. Cette nouvelle production contribue aussi à relancer la réflexion identitaire de l'heure, malgré l'évolution des époques. Même si le film se rapproche du genre historique, ce grand cinéaste a tenu à parfaire son travail. Les acteurs ont su transporter au téléspectateur la sincérité dégagée dans leur jeu. Des scènes cadrées et bien jouées donnent à voir un film fait de recherche et de talent. A propos de ce film, le réalisateur notera : « Au fil de mes lectures sur la civilisation arabe et musulmane en Espagne, période de grande tolérance où les religions coexistaient avant d'être séparées, j'ai découvert les grandes sources de tensions, de haines à partir de la chute de Grenade où toute la puissance de l'Orient arabe venait de s'effondrer sans gloire aux pieds des rois catholiques. » Pour lui, le cordon ombilical entre l'Orient et l'Occident venait d'être tranché à jamais. Sept siècles de fierté arabe mélangée de sabre et de raffinement étaient troqués contre le bannissement. Si la chute du dernier roi andalou était magnifiée par les poètes, elle était aussi le commencement d'un déclin qui allait plonger le monde musulman dans une longue nuit. La poursuite de la Reconquista et l'arrivée des Turcs avaient fait du Maghreb une terre d'affrontement secouant tout le bassin méditerranéen et particulièrement l'Algérie qui ressemblait à une balance qui penchait incessamment au gré des charges. Tantôt l'Ouest espagnol et tantôt l'Est turc. Les rois et les émirs algériens n'hésitaient pas à plonger leurs monarchies au plus offrant en se lançant dans des guerres intestines et fratricides. Il ne restait que des débris de royaumes partagés par la puissance du glaive espagnol et turc. Les royaumes éphémères se désintégraient et n'arrivaient pas à se fédérer faute de bannière commune. Ce grand conflit avait embrasé toutes les rives de la Méditerranée durant des siècles. C'est fondamentalement cette période d'écroulement des nations où se situeront l'action du film et le destin des personnages historiques et imaginaires comme le personnage central, lien conducteur des faits avérés. Samira Sidhoum Mohamed Chouikh débute sa carrière de comédien en 1962 en rejoignant la troupe du TNA et joue aussi dans plusieurs films après l'indépendance comme, « L'Aube des damnés » de René Vautier et Ahmed Rachedi (1965). Il interpréta le Moudjahid dans « Le vent des Aurès » de Lakhdar Hamina. Grâce à « Elise ou la vrai vie » de Michel Drach « 1970 », sélectionné à Cannes, il commence à être connu. Il écrit et réalise des téléfilms de long métrage pour la RTA des 1972 avec « L'embouchure », « Les paumés » (1974). Il s'oriente vers le grand écran avec « La Citadelle » en 1988, histoire d'un homme naïf et amoureux, victime d'une société régie par des normes patriarcales. En 1993 « Youcef, ou la légende du septième dormant » dépeint l'Algérie des années 90 par l'entremise d'un fou, apparemment le seul à même de comprendre le pétrin et l'absurdité dans lesquels le pays s'est enfoncé. « L'arche du désert » 1997 est une métaphore d'une brûlante actualité qui dépasse même le drame algérien pour évoquer toutes les tragédies qui s'abattent sur les pays pauvres. Dans « Douar de femmes » (1996), en prenant les armes pour repousser des assaillants islamistes, les femmes prennent conscience de leur force et de leur statut.