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« Le 8 Mai 1945 dérange toujours »
Ameur Rkhila, historien, et Boudjemaâ Souilah, chercheur en droit et en relations internationales
Publié dans Horizons le 07 - 05 - 2014

La date du 8 mai 1945 est gravée dans la mémoire des Algériens, toutes opinions et générations confondues. Que s'est-il réellement passé ce jour-là ? Ameur Rkhila : Le Parti du peuple algérien (PPA) avait appelé ses militants à l'organisation d'une manifestation pour réclamer l'indépendance du pays. A la vue du drapeau algérien, la France coloniale, qui a perçu cela comme une provocation, s'en est prise violemment à la foule qui s'était ébranlée avec des pancartes célébrant la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie. S'en est suivie alors une véritable chasse à l'homme. Cela dit, le fait que le drapeau national soit brandi lors des manifestations ne peut en aucun cas justifier la réaction violente et brutale de la France. Les massacres ont été perpétrés dans plusieurs régions durant le mois de mai 1945, notamment Annaba, Constantine, Tizi Ouzou, Bejaïa, Jijel et Khenchela. La violence colonialiste a touché tout le pays durant tout le mois de mai. C'est un épisode tragique en violation de toute logique. La France a voulu, vraisemblablement, se venger des Algériens après avoir été occupée et humiliée par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale.
Boudjemaâ Souilah : L'objectif des massacres du 8 mai 45 perpétrés par la France coloniale était de faire taire le cri de liberté des Algériens. C'est un événement douloureux. Nous allons lutter contre la culture de l'oubli. Les dizaines de milliers d'Algériens qui sont sortis pour une manifestation pacifique à l'occasion de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie ont été sauvagement massacrés. L'époque a été marquée également par une dynamique du Mouvement national, à l'image des militants des Amis du manifeste et de la liberté (AML). Les manifestations du 8 mai 45 étaient aussi une occasion pour rappeler à la France ses engagements tenus auparavant, notamment par Charles de Gaulle. Toutefois, la réponse du gouvernement français était la répression commettant, ainsi, un crime contre l'humanité, contre l'identité nationale.
L'écrivain Kateb Yacine, alors lycéen à Sétif, a écrit : « C'est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté, pour la première fois, au plus atroce des spectacles. J'avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l'impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l'ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. » Peut-on dire que la page n'est toujours pas tournée et que les traumatismes sont encore présents ? Ameur Rkhila : ce n'est pas seulement une question d'oubli, c'est avant tout une affaire de recherche rationnelle sur l'histoire. Il est grand temps de passer à l'écriture scientifique de notre histoire. Je suis parmi ceux qui appellent à la révision de notre histoire. Il y a plusieurs événements, plusieurs faits historiques, qui ne sont pas écrits d'une manière scientifique et rationnelle. Le moment est venu pour laisser l'écriture de l'histoire aux historiens. Sinon, il est bien évident que cette image douloureuse de notre histoire ne peut pas être oubliée. L'armée française s'est déchaînée et a massacré, sans distinction, plusieurs milliers d'Algériens sans défense.
Boudjemaâ Souilah : Notre intérêt, c'est d'abord de lutter contre l'oubli. Il s'agit de ne pas oublier ces faits de l'histoire. Les jeunes Algériens, les future générations, ne doivent pas oublier la mémoire collective qui doit être préservée. Le colonisateur a brutalisé notre pays. Il a dilapidé ses richesses. Il a torturé notre peuple. Ce jour-là, la France a commis l'un des plus atroces massacres coloniaux. Les gens tués ne l'ont pas été pour leur opinion, mais à cause d'un idéal qui est la liberté. Le jour même où la France est libérée, elle réaffirme, dans le sang, sa domination coloniale en Algérie. Aujourd'hui encore, et après 69 ans, nous souffrons toujours. La douleur est toujours vivace. Il y avait une volonté réelle d'exterminer le peuple algérien et le spolier de son identité.
Le général Duval avait lancé dans son compte rendu, après le massacre, l'avertissement suivant : « Je vous ai assuré la paix pour dix ans ». Neuf ans plus tard, il y a eu le 1er novembre 54. Le 8 mai 45 a-t-il été le prélude de la guerre d'Algérie ? Boudjemaâ Souilah : L'histoire de l'Algérie est une succession d'événements qui s'étalent sur 132 ans. Chaque étape a son importance. En 1945, la répression sanglante s'est généralisée. Les massacres du 8 mai 1945 ont marqué un tournant dans la lutte pour l'indépendance. Les Algériens ont compris, ce jour-là, que seule la lutte armée serait payante pour leur indépendance.
Ameur Rkhila : Effectivement, les massacres marquent les prémices de la guerre de Libération. D'ailleurs, la date du 8 mai 1945 a servi de référence à la guerre de Libération nationale. C'est aussi l'échec de la politique sociale menée par la France coloniale en Algérie. En 1945, les autorités françaises de l'époque ont mis en place un programme pour l'éducation nationale, pour le travail, pour l'habitat, sans être suivi d'exécution à cause de l'opposition des colons qui ne voulaient plus entendre parler d'un programme de développement au profit des Algériens. Le drame est passé inaperçu dans l'opinion française qui continuait de croire que les Algériens étaient des sympathisants nazis et que ce massacre d'Algériens faisait suite à l'assassinat d'une centaine d'Européens par des indépendantistes. Pourquoi, à votre avis, tout ce pan de notre histoire a été occulté par la France ? Boudjemaâ Souilah : C'est clair, c'est une vision colonialiste. Il y a même certains journaux français qui considéraient le soulèvement du 8 mai 1945 comme l'expression d'un ras-le bol contre la faim et la pauvreté. En réalité, le peuple a voulu exprimer son désir de liberté et d'en finir avec la domination et le pillage de ses richesses. Le colonisateur français avait projeté l'extermination de milliers d'Algériens. Il a tenté d'aliéner l'identité nationale. Pour preuve, il a mobilisé toutes les forces de police, de gendarmerie, de l'armée pour fusiller des Algériens.
Ameur Rkhila : Les médias français n'ont fait que répercuter les discours de l'administration française. A titre d'exemple, le journal « L'Humanité », organe central du Parti communiste français, n'a fait que soutenir la politique française. La presse française de l'époque était au service de l'Administration pour asseoir sa domination. Il faut faire le distinguo entre la presse qui était diffusée ici en Algérie qui a souvent usé de la manipulation et du déni de l'information et qui a fortement soutenu les massacres, les considérant comme une réplique légitime face à une menace contre la souveraineté nationale, et la presse métropolitaine qui a fortement minimisé le bilan des tueries.
À sa sortie, « Hors-la-loi », le film de Rachid Bouchareb, a été suivi d'une vive polémique. En cause, quelques minutes d'images sur les massacres du 8 mai 1945. Cette date dérange toujours... Boudjemaâ Souilah : Sans aucun doute, le 8 mai 1945 dérange. Il continue, 69 ans après, de déranger tant que la France persiste dans sa politique de l'autruche. Pour notre part, il faut creuser davantage dans cette Histoire pour ne pas sombrer dans l'oubli. C'est pourquoi je dis qu'il est bien temps de passer à l'écriture de l'Histoire. Cette écriture doit tenir compte des sensibilités des uns et des autres car nos visions et nos façons de voir les choses sont différentes. La France doit remette les archives coloniales à l'Algérie pour permettre aux historiens et chercheurs algériens de traiter et d'écrire l'Histoire. Ameur Rkhila : A la colère légitime des Algériens, la réponse du gouvernement français était la terreur. Il est bien évident que le 8 mai 1945 reste à jamais un des plus atroces massacres coloniaux perpétrés par cette France fraîchement libérée. Oui, certainement, le 8 mai 1945 dérange toujours.


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