Le vent de sable qui a soufflé n'a pas, tout de même, empêché les Becharis les plus amoureux de la musique Diwane d'être au rendez-vous. Sont rentrés en compétition, dans la soirée de samedi à dimanche, deux groupes : Nas el wahat d'Ouargla et Sidi Belal de Tindouf. Ils ont puisé de la musique du terroir pour essayer de séduire l'assistance et, surtout, les membres du jury. Les membres de ces troupes jouent à la perfection les instruments de base de musique tels que le Guembri, les karkabou et le tbel. Les plus jeunes ont tenté de gagner plus de points en se basant sur la dance. La star de la soirée a été incontestablement Gnaoua Noura. Cette première dame à l'échelle magrébine, qui interprète correctement la musique diwane, a merveilleusement charmé l'assistance. Ses chansons rythmées par une authentique interprétation des bradj (morceaux) avec notamment « Baniya », « Alal », « Saâdia », « Maydoum » « El-Bouhala » et bien d'autres sont de « véritables tableaux chorégraphiques haut en couleur, en rythmes et en sonorités », selon un membre du jury. Noura a interprété une quinzaine de titres composés et écrits par elle-même. Elle a véritablement défendu le riche patrimoine des diwanes remis au goût du jour par une nouvelle orchestration. Lauréate du troisième prix au Festival national de la musique Diwane de Béchar, en 2012, Nora Gnawa a mis l'assistance en euphorie. Son grand charisme sur scène a imposé le respect. Les musiciens qui l'accompagnent dégagent du vrai professionnalisme. la fusion entre le goumbri et les karkabou côtoie sans cesse la basse, le clavier et la batterie. Plusieurs influences musicales se décèlent dans son répertoire. La chanteuse évolue dans le style plutôt folk. Elle chante en arabe sur une musique country, blues et reggae. Le festival oui, mais... Il en est déjà à sa 8e édition. Le festival culturel national de la musique Diwane alimente les discussions des résidants de la capitale de la Saoura. Certains estiment que c'est une très bonne initiative qui permet aux Bécharis d'oublier un peu la solitude du désert. D'autres pensent le contraire. A les croire, beaucoup de choses devraient passer en priorité avant le festival. Toutes les après-midi, les habitants de Béchar, notamment les jeunes, investissent les rues, les cafés et les lieux publics. Leurs discussions tournent au tour des pratiques commerciales, les nouvelles de la Jeunesse sportive de la Saoura, la ligue des Champions d'Europe et, bien sûr, le festival Diwane. Mohamed, commerçant estime que « le festival n'a pas seulement une valeur culturelle, mais aussi une valeur commerciale », puisque des centaines de touristes, voire des milliers, se rendent à Béchar pour vivre l'événement. Abdelhamid, un jeune cadre dans le secteur des assurances, déclare que « le festival pérennise et valorise une musique et une danse à la fois sacrée et mystique. La manifestation doit être aidée et encouragée financièrement et logistiquement ». Le compagnon avec qui il sirote un café dans la « placette de Béchar » estime que l'événement artistique « contribue à l'essor culturel et économique de la commune de Bechar, et aussi pour conforter sa notoriété nationale acquise grâce aux musiciens, publics et organisateurs ». Moulay qui réside aux alentours du stade communal, lieu de la manifestation regrette le choix de la date : « Ma fille, candidate aux épreuves du baccalauréat n'arrive à se concentrer sur ses révisions ». Il souhaite à ce que la prochaine édition se déroulera après toutes les épreuves scolaires. Même lieu, autres points de vue Une grande partie des Bécharis estime que l'organisation d'un tel festival est une perte inutile d'argent, voire même un gâchis. Cette impression est partagée par un grand nombre d'Iglaoua. « Le taux de chômage dans ces deux localités avoisine les 70% : il n'est pas rare que dans une famille de huit personnes, une seule perçoive un salaire », souligne Abdelkader. Pour lui, « la priorité c'est de créer des postes d'emploi pour toutes ces populations non actives ». Le rêve de ces jeunes « fâchés du festival », dont la plupart sont diplômés, est de créer des coopératives de jeunes. Ils veulent surtout s'occuper du transport, avoir des locaux commerciaux pour faire des économies, se marier, vivre enfin. « Je ne sais pas quelle est la somme dépensée depuis le premier festival à ce jour, mais je sais que si cet argent a été dépensé rationnellement, beaucoup de choses auraient pu changer pour mes semblables », souligne Nassim, ingénieur en mécanique. « La majorité des jeunes issus des milieux pauvres vit sans perspective. Nous vivons sans penser à demain. Avec un estomac vide, c'est impossible de penser au festival » se désole Ahmed. Il n'est pas le seul.