Deux conférences, un documentaire et quatre concerts est le cru de la soirée de mardi dernier. Résultat : les chercheurs peinent à définir le diwane, et les formations musicales se débattent avec la tradition, qui doit être préservée, et la modernité (la fusion), tout à fait nécessaire pour toucher un grand nombre de monde. Le programme scientifique du Festival national de la musique diwane de Béchar se poursuit à la Maison de la culture, qui abrite des conférences et des projections qui tendent à vulgariser, un tant soit peu, la culture diwane qui ne nous a pas encore livré tous ses secrets. Deux conférences ont été programmées mardi dernier : “Les chemins de la rédemption : Pour une histoire du diwane oranais” du chercheur Sidi Mohamed R. Belkhadem, un des fondateurs de l'association Ahl Eddiwane d'Oran, et “Méthodologie et savoir dans la collecte du patrimoine immatériel” de Lahcène Rédouane, chercheur au Crasc d'Oran. Pour le premier intervenant, qui a utilisé dans ses recherches l'ouvrage, l'Esclavage en terre d'Islam de Malek Chebel, les diwanes se sont établis à Oran au temps de la présence ottomane en Algérie. D'ailleurs, les diwanes Sidi Blel d'Oran sont les descendants de “abid Et-Tork” (les esclaves des turcs). Dans son exposé, il a également évoqué l'origine du mot diwane, qui vient, pour lui, du mot turc “divane”, qui a pour sens “organisation militaro-administrative, office et cérémonial”. Sidi Mohamed R. Belkhadem a répertorié également les “cinq grandes ethnies”, desquelles descendent les diwanes, tout en signalant que leur singularité réside dans le fait qu'ils auraient “perdu toute mémoire quant à leur lignage ethnique issu de l'esclavage.” Le conférencier indiquera, par ailleurs, que “les approches sur le diwane en Algérie sont au degré zéro” : la définition du diwane pose problème aujourd'hui, et très peu de chercheurs s'intéressent à cette culture. Pour sa part, le chercheur Lahcène Rédouane a défini ce qu'est l'anthropologie et la culture sans pour autant nous expliquer l'apport de celle-ci au diwane, sans nous expliquer non plus les efforts qui sont fait par les centres de recherche en Algérie dans ce domaine. Il s'est noyé dans des généralités sans pour autant s'intéresser au fond. Par la suite, Larbi Lakehal a présenté son documentaire les Rites diwanes à Béchar. Il a été question d'une Lila avec ses différentes articulations. Outre la dimension mystique ou thérapeutique du rite, le docu a également mis en avant les dimensions de fête et de partage de la Lila. Très moyen techniquement, les Rites diwanes à Béchar, qui ressemble davantage à un reportage qu'à un documentaire, est tout de même intéressant et pédagogique à bien des égards. Nora Gnawa confirme son talent La soirée d'avant-hier au stade En-Nasr a été émaillée par la prestation de Nora Gnawa et son groupe. Avec son timbre de voix particulier proche de celui des divas du blues, la charismatique Nora Gnawa a revisité, à sa manière (et de la plus belle manière !), des morceaux comme Manandabo, Lalla Aïcha, Maydoum, Baniya, Saadiyé et Allahoum Salli ala nabi. La particularité de Nora Gnawa, qui prépare un album dont la sortie est prévue pour le 30 mai prochain, est qu'elle prend le premier mot d'un bordj connu et élabore un nouveau texte. Dans son premier disque, Bouhala, qui comporte sept titres et sortira chez Belda Diffusion, elle a repris trois titres connus et en composé quatre, notamment Baba Moussa Ja, Sangara ou encore Maya. Totalement décomplexée par rapport au diwane, Nora Gnawa est en train d'apprendre à jouer au goumbri, et considère que “les femmes peuvent pratiquer le diwane. Personnellement je n'ai rencontré aucun problème, ni à Béchar ni ailleurs.” Deux autres troupes ont affronté le jury : Tourat Gnawa d'Oran et El-Mohammadia de Mascara. La deuxième partie de cette soirée a été animée par la formation The Grooz & Maalem Mejber. Une formation de six jeunes et brillants musiciens qui n'ont pas encore trouvé leur son (un mix entre le Groove, le jazz, le blues et la musique traditionnelle, diwane). Pour la première fois depuis le début du festival, nous avons écouté de la fusion. Un domaine où le diwane enregistre beaucoup de retard, et dans ce cas, il faudrait encourager toutes les expériences, notamment celle de The Grooz & Mejber, et celle de la magnifique Nora Gnawa. S. K.