Le stade de Tizi Ouzou a depuis samedi soir une fêlure : un joueur y a été tué par un supporter. A quoi peut-on s'attendre quand une pluie de projectiles s'abat sur les joueurs locaux coupables d'avoir été défaits par l'équipe visiteuse ? Ce ne sont pas des tomates ou des œufs qui ont été balancés à partir des tribunes mais des pierres et, manifestement, des objets tranchants. Et l'innommable s'est produit : un homme, Albert Ebossé, 24 ans, un joueur de nationalité camerounaise au talent prometteur, en est mort. C'est triste pour le football, un merveilleux sport populaire qui suscite l'admiration planétaire, dramatique pour l'Algérie sportive et la JSK en particulier. A croire que l'enjeu n'est plus une rencontre de foot dont le résultat doit être sanctionné par une victoire et une défaite, un vainqueur et un vaincu. Mais il y a longtemps que le fair-play a déserté les stades algériens, devenus au fil du temps des arènes de gladiateurs où tous les dépassements sont permis. Les agressions d'arbitre, les batailles rangées entre supporters, l'agressivité de certains dirigeants... sont le réceptacle d'un univers rongé par le chauvinisme. Le crime du stade de Tizi qui affecte injustement la réputation de la JSK est la résultante d'une atmosphère viciée. D'un environnement malsain auquel ont contribué les parties censées dispenser de l'éducation, une culture pacifique de compétition et l'esprit sportif. C'est-à-dire en partie, la presse, les dirigeants des clubs et les gestionnaires du football qui n'ont pas suffisamment mis les bouchées doubles contre les actes de violence et les pratiques déloyales qui ont gangrené le football national. Il est inadmissible qu'une rencontre promise à du bon spectacle se solde par une mort d'homme. A fortiori, dans l'enceinte du stade où les acteurs sont supposés être protégés. La pression entretenue autour du match, au nom d'une rivalité légendaire entre la JSK et l'USMA, a dépassé le cadre sportif. Et personne ne s'est avisé à tempérer les ardeurs. A rappeler tout bonnement qu'il s'agit d'une simple confrontation sportive dont la raison d'être est de distraire d'abord les esprits. Mais de sombres intérêts se sont agglomérés autour des clubs et de leurs résultats, travestissant chaque jour davantage l'esprit de Coubertin, devenu une ringarde vieillerie. L'intrusion de l'argent a faussé le rapport à la compétition. De colossales sommes circulent sur fond de dangereuses manipulations qui régulent des rapports de forces. Le drame de Tizi aurait pu se produire dans n'importe quel stade d'Algérie tant le climat de violence régente le monde du foot dont l'importance est surdimensionnée, en l'absence d'autres loisirs. La mort d'Ebossé ne doit pas être vaine. Elle doit servir à stopper l'incurie. Et à la prise de mesures exemplaires d'assainissement du climat. La façade qui a dissimulé le délabrement du foot algérien, grâce à l'équipe nationale, aura volé en éclats. Du moins révélé au grand jour le grand écart.