Près d'un quart de siècle après l'ouverture du secteur de la communication à la concurrence et à la pluralité, les pouvoirs publics ont initié, ces dernières années, un processus visant à impulser un bond qualitatif à ce secteur névralgique. A cet effet, une série de textes de loi et d'organes de régulation ont été institués. Une commission provisoire de délivrance de la carte de journaliste professionnel a également été mise sur pied. Ces mesures aspirent à capitaliser les acquis de cette jeune expérience et à hisser la presse et toutes les activités connexes (impression, distribution, publicité...) au niveau des standards internationaux. Car, si l'Algérie peut s'enorgueillir de posséder le paysage médiatique le plus libre du monde arabe et musulman, peut-on pour autant dire que le projet de « libéraliser » le secteur a abouti ? Symptomatique et à titre d'exemple, près de vingt-cinq ans depuis « l'aventure intellectuelle », la profession n'arrive toujours pas à s'organiser et à parler d'une seule voix, alors que la norme économique établie qui veut qu'un titre soit le produit d'une entreprise, et non l'inverse, n'a jamais eu cours. Les objectifs de la nouvelle philosophie de l'Etat projettent, justement, de mettre fin à ces incohérences tout en professionnalisant et modernisant une presse dont la mission historique ne se résume point à une simple rentabilité commerciale. La presse, dans ses fonctions premières, englobe aussi une plus-value sociale et éducative difficilement quantifiable. Toujours est-il, cette première étape de l'action des autorités en appellent d'autres. Et, nul doute que la future loi sur la publicité, qui se fixe pour objectif d'imposer un tant soit peu des critères rationnels dans la gestion de cette poule aux œufs d'or, dérange bien des intérêts. Vouloir civiliser une « jungle » qui permet de générer des milliards de dinars annuellement ne peut se faire sans susciter de farouches résistances. Il est presque humain de vouloir abattre l'empêcheur de s'enrichir en ronds... sonnants et trébuchants. D'autant que l'« on » a pris l'habitude de recevoir sans rien donner. Depuis 1991, l'Etat n'a jamais cessé son soutien aux journaux (aides directes ou indirectes, créances des imprimeries publiques, manque à gagner pour le fisc...), sans que, pour autant, la situation socioprofessionnelle d'une grosse majorité des travailleurs de la presse s'en trouve améliorée. Faut-il céder aux caprices d'une minorité qui veut accaparer le gâteau quitte à pousser des centaines de travailleurs au chômage ? C'est là tout l'enjeu de l'heure.