Une campagne synchronisée, menée par des journaux contre l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), tend à occulter le vrai débat qui doit s'instaurer dans le monde de la presse en Algérie, en travestissant les réalités et en montrant ses promoteurs sous leur vraie nature de prédateurs qui cherchent à tirer profit de toutes les lacunes qui existent à tous les niveaux de décision. Craignant sans doute un retour de flammes, après la découverte d'insuffisances au niveau de la gestion de la publicité institutionnelle distribuée via l'Anep, certains barons de la presse privée, agissant toujours en prédateurs, jouent la surenchère pour s'emparer du «butin». Il est clair que, par leur agitation actuelle, ils visent deux objectifs. Premier objectif : ils veulent leur part de la rente publicitaire, parce que, tout simplement, la publicité privée dont ces journaux vivent encore et s'enrichissent même est en baisse continue. Même si certains quotidiens continuent, à ce jour, de recevoir de la publicité publique à travers des opérateurs publics, sans passer par l'Anep, ce qui est, au passage, une infraction à la loi sur la publicité institutionnelle de 1999. Cela dit, si cette cupidité peut s'expliquer pour certains cas, il n'est pas du tout normal qu'un journal appartenant à un groupe économique très prospère bénéficie de 2 à 3 gracieuses pages quotidiennes de publicité servie par l'Anep, et que personne ne trouve rien à y redire. Un cas sur lequel s'applique parfaitement le célèbre proverbe qui dit : «Il mange avec les loups et pleure avec le berger.». Pour revenir à la question du monopole de l'Anep sur la publicité institutionnelle, il faut souligner que cette agence gère le portefeuille des publicités légales de l'Etat, lesquelles sont payées avec l'argent du Trésor public qui est, ici, utilisé comme aide indirecte aux journaux. Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le gros de cette publicité institutionnelle va au secteur privé, et dont des journaux «à gros tirage» bénéficient au même titre que les moins nantis. Si ce portefeuille est enlevé à l'Etat, il reviendra aux fonctionnaires des communes et des collectivités locales de distribuer la publicité légale avec le risque d'enrichissement illicite qui va en découler au bénéfice de fonctionnaires véreux. Dans ce cas, le contrôle fiscal portant sur les recettes publicitaires des journaux sera moins aisé avec la difficulté d'établir la traçabilité de ces recettes. Enfin, il est utile de rappeler que l'essentiel de la publicité commerciale passe par 4 500 boîtes de communication et concerne tous les supports (affichages, dépliants...), et pas seulement la presse écrite. Le vrai débat sur la presse écrite doit se recentrer sur les solutions à préconiser pour alimenter le fonds d'aide, développer la distribution et revendiquer une exonération de paiement des frais d'impression. Une campagne politico-financière Le deuxième objectif de cette campagne insidieuse, c'est d'essayer de discréditer les services spéciaux algériens (le DRS), que ces éditeurs considèrent comme un obstacle à leur premier objectif, en criant à la mainmise d'une institution sécuritaire sur un secteur d'activité civil et au clientélisme favorisé par la centralisation de sa gestion. Mais à vrai dire, des desseins inavoués et sournois se cachent derrière cette croisade qui reprend de plus belle, depuis l'annonce du départ en retraite de l'officier en charge des affaires de la presse et de la diffusion. Sinon, comment expliquer cet acharnement contre le DRS sur les colonnes de ces journaux connus sur la place d'Alger pour leurs accointances plus que suspectes avec des chancelleries étrangères, et même avec des milieux intéressés par la subversion ? Or, dans un aucun pays du monde, la presse ne s'attaque pas à une institution aussi névralgique sur laquelle repose la sécurité du pays. Et dans tous les pays du monde, défendre la sécurité de son pays est un acte de citoyenneté. Loin de vouloir faire le procès de ces éditeurs, avec qui nous partageons cette aventure journalistique, des vérités doivent être dites pour recadrer le débat et détromper une opinion qui est parfois dupée par des discours encenseurs et agrémentés de slogans d'opposition d'une certaine presse qui se présente comme le temple de la liberté d'expression et d'opinion en Algérie. Des vérités à dire Ce sont bien ces trois ou quatre éditeurs qui ont fait capoter le projet d'une nouvelle maison de la presse proposé par l'Unesco après l'attentat du 11 février 1996, en voulant débourser 400 000 dollars, parce qu'ils ne s'étaient pas entendus sur le partage du pactole. Ce sont encore eux qui ont fait échouer l'idée d'une organisation des éditeurs, proposée par beaucoup d'éditeurs pour faire face aux multiples problèmes auxquels ils sont toujours confrontés, pour la simple raison qu'ils voulaient imposer à sa tête une direction et un secrétariat sur la base du tirage (nombre d'exemplaires imprimés), ce qui leur aurait permis d'en faire une force de pression politique sur le pouvoir. Ce sont eux qui ont encouragé un réseau de distribution informel, parce que le système de distribution actuel favorise leur diktat et leur permet de garder secrets les vrais chiffres d'invendus et de tirage de leurs journaux respectifs. Ce sont aussi eux qui ont bénéficié du plus grand nombre de logements sécuritaires, après les responsables des médias publics, ce ne sont pas les journaux dits «émargeant aux officines du pouvoir». Et pour l'histoire, un journal a bénéficié, à lui seul, de sept logements sécuritaires qui sont, bien entendu, des résidences d'Etat. Sans oublier les largesses et les multiples avantages dont ils avaient été gratifiés au lancement de leurs projets : avantages fiscaux dans le cadre de l'Apsi, trois ans de salaires, avec un coût d'impression subventionné durant les premières années de leur existence et aussi des prêts bancaires. Il y en a même qui ont vu leurs dettes effacées, d'autres ont bénéficié de terrains qu'ils ont revendus. Pendant des années, ces titres qui stigmatisent aujourd'hui l'Anep et crient au monopole de l'Etat ont bénéficié de la publicité publique bien plus que tous les autres titres qui sont venus ultérieurement. Un journal prenait jusqu'à 8 millions de dinars par mois, à l'époque où il y avait la parité dinar/franc français. Comme ils étaient à l'origine du blocage du Fonds d'aide à la presse, considérant une telle mesure comme un «caution à la médiocrité». Loin d'être des exemples de bonne gestion, certains responsables de ces journaux sont mêmes impliqués dans de gros scandales financiers, toujours en cours, à l'image de l'affaire Khalifa. Aujourd'hui, ils veulent imposer leur vision de l'information et la manière dont il faut gérer le secteur, et leur stratégie, payante jusque-là, est de «complexer» les pouvoir publics et les différents acteurs du secteur pour aboutir à leurs fins. Mais ils n'y parviendront pas.