C'est dans les travées de la bibliothèque de Béjaïa, abritée par un site historique qui a accueilli en son temps l'illustre Ibn Khaldoun, qu'a été évoqué un homme de culture, plus contemporain mais d'une toute aussi haute notoriété : Kateb Yacine. Le Festival international du théâtre de Béjaïa ne pouvait en effet ignorer un dramaturge de son envergure. Outre les représentations de sa pièce « Le cadavre encerclé », une journée d'étude lui a été consacré, hier. Elle a été animée par Salah Oudahar, poète et directeur artistique du festival Strasbourg-Méditerranée et Brahim Hadj Slimane, poète, journaliste et metteur en scène. Présenté comme un spécialiste de Kateb Yacine, Olivier Neveux, professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre de l'université de Lyon, était absent. « La conception katébienne du théâtre mettait la poésie au cœur de toute création et refusait le cloisonnement des sensibilités artistiques, se retrouvant ainsi plus proche du théâtre grec antique » a expliqué, Brahim Hadj Slimane qui a rappelé, également, les circonstances qui ont conduit Kateb à écrire ses différentes pièces, du « Cadavre encerclé », à « Mohamed Prends ta valise » en passant par « L'homme aux sandales de caoutchouc. » Le dramaturge, selon l'intervenant, « portait l'histoire sur scène, tout en introduisant les formes d'expression traditionnelles algériennes. » C'est ce contexte justement, qui fait dire à Salah Oudahar que Kateb faisait partie de ces dramaturges révolutionnaires qui ont fleuri dans le contexte particulier des années 1970. L'orateur, qui fit la lecture d'un texte de Kateb Yacine, « Le sculpteur de squelettes », qui a gardé toute sa puissance, a estimé toutefois, « qu'il y a deux écueils à éviter quand on parle de d'auteurs comme Kateb Yacine, leur sacralisation ou leur banalisation. » A propos de son théâtre, il a qualifié, l'art de Kateb de « guérilla théâtrale. » Il a eu recours et dû inventer celle-ci « pour faire face à la pression exercée par le pouvoir politique, à travers la censure et l'interdit, pour museler les voix discordantes comme la sienne », a-t-il expliqué. Le théâtre de Kateb comme l'a souligné Brahim Aït Slimane, « pouvait être joué en tous lieux, dépouillé qu'il est de la lourdeur des décors, mais également grâce à la liberté d'écriture d'un texte jamais figé, comme le sont les œuvres classiques occidentales. » « Il a accepté la refonte, les rajouts et le passage de scènes, comme des génes sauteurs, d'une œuvre à une autre sans que celà ne nuise à la dernière », a-t-il ajouté. Lors des débats, au-delà du personnage, les intervenants se sont interrogés sur la meilleure façon de transmettre et cultiver l'œuvre de Kateb pour que le public lui renouvelle son intérêt. Une représentation d'un extrait d'une de ses pièces, qui a captivé l'assistance, et d'une lecture de trois de ses poèmes ont conclu cette journée.