Si le 18 juin, 21 supporters de football ont trouvé la mort lors de l'explosion d'une bombe alors qu'ils suivaient un match de Coupe du monde dans un lieu public, le 24 octobre dernier, quatre bâtiments de la police de cette ville ont été attaqués à l'aide d'armes à feu et d'explosifs. Trente personnes, des soldats pour la plupart, ont été tuées. Vendredi dernier, 120 personnes ont été tuées dans un double attentat suicide, suivi d'une attaque d'un commando armé, à l'heure de la prière dans la mosquée principale de Kano, la deuxième plus grande ville du pays. 170 fidèles ont été blessés. Un attentat présenté par les analystes comme des représailles contre l'émir de Kano qui a appelé la semaine passée la population à prendre les armes pour se protéger des attaques islamistes. Cette secte, qui a pris les armes il y a cinq ans pour créer un « califat » dans le nord du Nigeria et « imposer l'idée qu'il peut frapper n'importe où » y compris chez les pays voisins (Cameroun, Niger, Tchad...), qui retient toujours les 219 lycéennes enlevées en avril dernier à Chibok, cherche, selon les analystes, à fragiliser le pays le plus peuplé d'Afrique à l'approche d'élection présidentielle prévue en février 2015 pour laquelle le chef de l'Etat Goodluck Jonathan se représente. Muhammad Sa'ad Abubakar, le chef des musulmans du pays, hausse le ton. Il accuse l'armée de fuir face aux attaques de Boko Haram et de « terroriser davantage une population déjà terrorisée ». Il n'est pas le premier à accabler l'armée. « Les soldats prennent leurs jambes à leur cou et abandonnent leur base, leurs armes, leurs munitions et tout leur équipement militaire à l'approche des insurgés », écrit dans un communiqué, Jama'atu Nasri Islam, une organisation des musulmans du Nigeria, conseillant aux musulmans de « prendre toutes les mesures défensives dans les limites de la loi pour se protéger », puisque, selon elle, le gouvernement ne parvient pas à le faire. La Jama'atu, dont le siège se trouve dans la ville de Kaduna, demande aux autorités « de prendre réellement leurs responsabilités afin de protéger la vie et les biens des Nigérians ». Sanusi Lamido Sanusi, l'émir de Kano, deuxième autorité musulmane, a mis en doute lui aussi, la semaine passée, la compétence de l'armée. En campagne électorale pour sa réélection, le président Jonathan fustige ces propos. Il estime que les autorités religieuses ne doivent pas s'impliquer dans les questions politiques et militaires. En déplacement à Atlanta, aux Etats-Unis, le porte-parole de l'armée nigériane, Chris Olukolade, a accusé ceux qui dénigrent les efforts de l'armée dans le nord-est du pays, sans les citer, d'affecter le moral des troupes et de ternir l'image pays à l'étranger.