« La langue arabe et la médecine : une relation d'exclusion ou de complémentarité ? ». Le couple de médecins Oulmane Soumia et Djamel ont ouvert, mercredi dernier, au siège du Haut-Conseil de la langue arabe à Alger, le débat sur une problématique toujours actuelle. Normalement, elle n'a pas sa raison d'être car la médecine n'a jamais été étrangère à la langue arabe. Les Occidentaux ont puisé leurs fonds documentaires dans des ouvrages écrits par des savants arabes dont l'éminent Ibn Sina au 11e siècle. Devant un parterre de professeurs et le président du conseil, Mihoubi, les deux médecins ont présenté une conférence riche en enseignements autour de la place de la langue arabe dans la civilisation arabe et musulmane, à Baghdad (Irak). L'un et l'autre ont surtout déploré que l'enseignement de la médecine se fait toujours en langue française. « Pourquoi n'existe-t-il pas de traduction des publications et des thèses de doctorat en langue arabe, cinquante-deux ans après l'indépendance ? », « Pourquoi, jusqu'à quand ? », se sont-ils interrogés. Les deux intervenants sont formels. Enseigner la médecine dans la langue du Coran est chose possible et réalisable. L'arabe est une langue très riche et les expériences de la Syrie et de l'Egypte avant l'occupation britannique sont on ne peut plus révélatrices. L'histoire des savants arabes à travers les siècles dans divers domaines scientifiques et de la médecine en particulier montre que les Arabes ont été des pionniers. « Au début, la médecine en Europe s'inspirait de livres écrits en langue arabe qui ont été traduits en d'autres langues étrangères », selon les conférenciers. « Ces pays se sont ensuite appropriés ces connaissances comme étant les leurs ». « Après les conquêtes musulmanes, l'Europe a découvert son infériorité, des pays ont ouvert des centres de traduction et enrichi leur lexique en puisant dans la langue arabe ». « Les exemples ne manquent pas, beaucoup de mots latins ont une origine arabe », a indiqué Dr Soumia, en citant certains exemples, comme « al djabr » algèbre, « zaafaran » safran. La liste est longue. Pour plus de précision et pour rendre leur communication plus attractive, les orateurs l'ont illustrée avec des images et des interprétations relatives à la place de la langue arabe dans toutes les sciences durant le règne de la civilisation arabo-musulmane. Ils ont également passé en revue le parcours et les tentatives d'arabisation enclenchés en Algérie mais n'ayant jamais abouti jusqu'à l'heure actuelle. Dans la pratique quotidienne en milieu de santé, dans les différentes correspondances des instances officielles, ou encore à l'université, la langue arabe reste marginalisée, voire étrangère à la société. Pourtant, la généralisation de la langue arabe est intervenue en 1971. Les docteurs Oulmane plaident pour la constitution d'un fonds documentaire, d'une terminologie en langue arabe et l'enseignement en arabe au moins certains modules tels que la médecine du travail, la médecine légale, l'économie de la santé. Le professeur Saïd Chibane, présent à cette rencontre, après avoir remercié les conférenciers d'avoir revivifié ce sujet important en donnant l'exemple de l'Egypte qui a enseigné la médecine en arabe pendant 70 ans avant sa colonisation. Il a évoqué aussi l'exemple de la Syrie et estimé « que le sujet a mis beaucoup de temps pour être abordé en Algérie ». Les participants à cette rencontre ont souhaité une utilisation plus large de la langue arabe.