Pour la première fois, le président américain apparaît sur les écrans de la télévision iranienne pour saluer l'entente « historique ». Qui l'aurait crû ? Au bout d'une longue période de tractations, l'épilogue de Lausanne a mis fin au suspens. Il a permis d'arracher un accord sur la majorité des points qui marque, à ne point douter, un tournant dans la normalisation des relations irano-américaines et une plus-value certaine « à la paix et à la stabilité dans la région », selon le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Le compromis, dont « l'écriture (d'un accord final), estime le président iranien, Hassan Rohani, doit commencer immédiatement pour être terminée d'ici le 30 juin », a réussi à briser le mur de défiance entre Téhéran et l'Occident, en ralliant les plus sceptiques des partenaires des 5 +1. Le cas de la France, représentant la ligne dure, est révélateur de l'évolution positive. Si pour le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, « il reste du travail à faire », le mérite d'un accord d'étape positif est toutefois admis. De son côté, la Russie, en allié indéfectible de l'Iran, a mis en valeur la reconnaissance du droit « inconditionnel » iranien à développer un programme civil. Dans ce compromis gagnant-gagnant, le dossier des centrifugeuses, au cœur des négociations, a connu un développement encourageant. Sur les 10.000 en activité, l'Iran a accepté de réduire au deux-tiers leur nombre pour maintenir en activité près de 6.000, alors que la communauté internationale en exigeait quelques centaines seulement. Téhéran s'est également engagée à stopper, au moins pendant 15 ans, l'enrichissement d'uranium dans le site contesté de Fordo, protégé et mis à l'abri de toute intervention militaire. Le site est destiné à un programme à des fins médicales. En contrepartie, les Occidentaux se sont engagés à suspendre les sanctions, une fois les assurances données par l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). Les résolutions de l'ONU seront aussi levées dès que l'Iran respectera tous les points- clés de l'accord qui devra être endossé par le Conseil de sécurité. La bataille de la crédibilité est sérieusement enclenchée. Elle impose des « vérifications sans précédents » érigées en ligne de conduite par Obama, acquis au règlement de la crise nucléaire par le dialogue et les négociations. Une option que partage Moscou qui présente l'accord comme « une preuve claire que grâce à des efforts diplomatiques et politiques, il est possible de résoudre les problèmes les plus difficiles et les situations de crise ». Dans le camp des sceptiques, la position des Républicains américains, exigeant un droit de regard, traduit le bras de fer incessant avec la Maison-Blanche qui refuse une telle approche et exhorte les parlementaires de s'abstenir de mettre en échec le processus diplomatique en cours. Une proposition de loi, dite Corker-Menendez, doit faire l'objet d'un vote à la commission des affaires étrangères du Sénat le 14 avril, au retour du Congrès de congé. Elle obligerait Obama à donner 60 jours au Congrès pour examiner et éventuellement bloquer, par un vote, tout accord nucléaire. Mais la violente riposte israélienne reflète, outre le large fossé qui existe entre les Etats-Unis et son allié, le splendide isolement d'un Netanyahu lâché par ses partenaires occidentaux des 5+ 1 et brandissant la carte de la « survie d'Israël ». Malgré toutes les assurances apportées par Obama, téléphonant, jeudi dernier au Premier ministre israélien pour réaffirmer l'engagement « sans faille » des Etats-Unis à défendre Israël et le renforcement de la coopération sur la sécurité, les autorités israéliennes tirent à boulets rouges sur « un mauvais accord cadre qui conduira à un mauvais et dangereux accord » final. A trois mois du rendez-vous décisif pour une évaluation définitive de l'accord, Obama réussira-t-il l'épreuve du Congrès et à convaincre Tel Aviv du bien-fondé de la démarche diplomatique ?