Le président burundais, Pierre Nkurunziza, n'a pas été de la partie. Son absence au 2e sommet des chefs d'Etat d'Afrique de l'Est (Rwanda, Tanzanie, Kenya, Ouganda et Burundi), ouvert hier dans la capitale tanzanienne, a été formellement confirmée par son porte-parole Gervais Abahiro. « Il y sera représenté par son ministre des Relations extérieures, il est en train de faire campagne (pour les élections) », a déclaré Abahiro. Le spectre du coup d'Etat avorté a plané hier sur Dar-Es-salam qui a consacré sa 2e rencontre régionale à la grave situation sécuritaire du Burundi. Si, le retour du président burundais avait précipité l'échec du putsch du 13 mai, il n'a pas permis d'étouffer la protesta de la rue qui enfle dangereusement. 18 jours après le premier rendez-vous de Dar Es Salam, la mobilisation ne semble pas faiblir. Elle résiste à la logique répressive de la police qui a investi en force les quartiers contestataires de Bujumbura réprimés à coups de kalachnikov. Qui éteindra le brasier naissant porteur de risques d'une nouvelle guerre civile dramatiquement vécue, entre 1993 et 2000, entre les communautés hutu et tutsi ? Entre l'opposition criant à la violation de la constitution et les partisans du camp présidentiel jugeant légal la candidature au 3e mandat, le bras de fer est annonciateur, selon les observateurs, d'une dérive marquée par l'escalade meurtrière et le climat de peur. En un mois, les violences ont fait plus d'une trentaine de morts, dont plusieurs victimes des tirs de la police. Face à cette impasse, aggravée par l'échec du dialogue mené sous l'égide de l'ONU, les urgences de Dar Es Salam sont cruciales. A minima, le report des législatives et des communales, censées débuter le vendredi 5 juin dans de « très bonnes conditions » après avoir été repoussées une première fois de 10 jours, est une exigence majeure des quatre Chefs d'Etat des pays des Grands Lacs, l'Ougandais Yoweri Museveni, le Rwandais Paul Kagame, le Tanzanien Jakaya Kikwete et le Kenyan Uhuru Kenyatta pour plancher sur des scénarios « envisagés » par leurs ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion samedi à huis clos dans la capitale tanzanienne. « On s'oriente plutôt vers un appel à un report assez suffisant pour préparer des élections, tout en demandant à Nkurunziza de laisser les partis politiques et les médias travailler et s'exprimer librement », souligne un chef d'Etat. « Cette approche pragmatique se veut une réponse au dilemme posé par le maintien de la candidature de Nkurunziza, érigé en « ligne rouge », et le rejet du 3e mandat exprimé par l'Afrique du Sud parrainant les accords d'Arusha, la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma, et les envoyés spéciaux de la communauté internationale (Communauté des Grands Lacs, Union européenne, Etats-Unis, Belgique, Grande-Bretagne). Une dichotomie que l'on retrouve même dans les pays de la région. La défection du président rwandais Paul Kagame et de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, atteste des clivages internes. Le malaise a également touché de plein fouet le camp présidentiel laminé, à la veille de ce sommet, par le départ précipité pour le Rwanda de la vice-présidente de la Commission électorale, Spes-Caritas Ndironkeye, la défection d'une autre commissaire sur les cinq que compte cette institution, Illuminata Ndabahagamye, et le retrait de l'Eglise catholique et des observateurs de l'Union européenne du processus électoral qualifié de « lacunaire ». Toute la crédibilité du scrutin est ainsi entachée de revers qui rendent « impossible » la tenue des consultations au délai fixé. Pour autant, les chances de reprise du dialogue ne sont pas totalement compromises. L'optimisme reste de rigueur pour le représentant de l'ONU pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit, qui place l'ultime espoir dans le sommet de la dernière chance. « Elles (les parties burundaises) ont convenu de reprendre leurs échanges après le sommet de Dars Es Salam. Je suis convaincu que les éclairages et les orientations qu'apportera le sommet contribueront à renforcer le dialogue interburundais et à lui donner un nouveau souffle. »