Le président du Rwanda, Paul Kagame, s'inquiète des conséquences qu'une éventuelle spirale de violence au Burundi pourrait avoir à la fois sur son pays et sur les Burundais, qui s'acheminent vers des élections générales très tendues dans quelques mois, dans un entretien à Jeune Afrique. «Le climat politique est tendu, des risques d'explosion existent et nous craignons que cette spirale potentielle de violence soit exploitée contre nous par les forces négatives qui opèrent dans l'est de la (République démocratique du) Congo», déclare le président Kagame dans une interview à l'hebdomadaire à paraître aujourd'hui. «Nous avons surtout, en premier lieu, des craintes pour le peuple Burundais. Ce sont nos frères et nos soeurs. Tout ce qui les affecte nous affecte», ajoute M.Kagame, dont le pays borde, au nord, le Burundi. Depuis des mois, la tension politique monte au Burundi, dont l'histoire récente a été marquée par les conflits interethniques et une longue guerre civile (1993-2006). Deux camps s'affrontent: les opposants à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, qu'ils jugent inconstitutionnel, et les soutiens du chef de l'Etat qui défendent son droit à une nouvelle candidature. Les craintes à l'approche des élections au Burundi ne sont pas tant celles de violences interethniques entre Hutu et Tutsi - le pays est aujourd'hui surtout en proie à une lutte de pouvoir entre Hutu. Mais elles ravivent de douloureux souvenirs dans une région meurtrie, notamment au Rwanda, par les massacres interethniques ces dernières décennies. Indépendamment des élection burundaises, Kigali brandit régulièrement la menace que constitue à ses yeux les rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) encore actifs dans l'est de la RDC et parmi lesquels figurent des combattants accusé d'avoir pris part au génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Interrogé par ailleurs sur l'éventualité d'une révision constitutionnelle au Rwanda, pour lui permettre de briguer un troisième mandat dans deux ans, le président Kagame répond à Jeune Afrique que «2017, c'est l'affaire du peuple». «Il va de soi que nul ne peut nous dicter notre conduite», lance Paul Kagame, en réponse à ceux qui - du secrétaire d'Etat américain John Kerry au président français François Hollande - ont récemment demandé aux chefs d'Etats africains de ne pas modifier leurs Constitutions pour se faire réélire. «Maintenant, c'est vrai, le temps est venu pour nous de débattre, démocratiquement et en toute indépendance. Les conclusions en seront tirées par les Rwandais et par eux-seuls», poursuit-il. Plusieurs facteurs entreront en ligne de compte, souligne le président Kagame, en ajoutant que son épouse et ses enfants estiment «qu'il serait temps pour (lui) de rentrer à la maison». Mais «il est des exigences devant lesquelles on ne peut pas, on ne doit pas se dérober», conclut-il.