Les premières journées de philosophie d'Alger ont pris fin dimanche dernier. Pour la présidente fondatrice de cette manifestation, l'écrivaine-philosophe Razika Adnani, maître de conférence à l'université de Caen (France), ces journées ont été une réussite étant donné les questionnements suscités par les intervenants lors des débats et le choix de la thématique portant sur le regard d'autrui. De l'avis de cette philosophe, il faut donner à la philosophie une place dans la société algérienne. Elle estime « qu'elle (la philosophie) est absente et ne participe pas au débat de la société ou aux questionnements de l'individu alors qu'elle a tellement de choses à nous révéler », regrette-t-elle. Elle estime que tout individu doit s'intéresser à la philosophie. Selon elle, en Algérie, il y a désintérêt total dû à bon nombre de facteurs : historiques, sociologiques et culturels. « On a peur des critiques. On préfère les idées conçues qu'on répète. On refuse de se poser des questions, car on risque de découvrir ce qui peut nous faire peur. C'est pour cette raison que la philosophie demeure éloignée. Pourtant il y a l'art d'argumenter », précise-t-elle, plaidant pour la nécessité d'apprendre à se poser des questions. « C'est l'éveil de la pensée et de la créativité », souligne-t-elle. Le critique de cinéma Ahmed Bejaoui a, dans une communication intitulée « L'image d'autrui dans le cinéma algérien », su démontrer à l'assistance comment l'Algérien a été représenté dans l'iconographie coloniale. Et comment « cet être est-il devenu, dans le regard et les objectifs des occupants qui l'ont dépossédé, « l'autre » revêtant le costume de l'indigène puis de l'étranger. Dans un cinéma algérien relativement jeune et inachevé, la question de l'autre s'est longtemps forgée au contact de l'unanimisme qui a marqué les premières décennies de l'indépendance », a-t-il relevé, tout en s'interrogeant comment le cinéma algérien avait-il, au lendemain de l'indépendance, traité de la résistance nationale et l'affirmation d'une identité nationale ? Selon Bejaoui, le problème d'autrui existait déjà au temps du colonialisme. Assia Djebar a réussi, selon cet expert, à donner un autre regard sur la société algérienne. Déraison absolue Dans son intervention intitulée « La philosophie et le besoin de l'autre pour réaliser la paix », Leïla Tennci, doctorante en philosophie et responsable du centre de documentation en philosophie, en psychologie et en histoire, tente d'apporter une approche optimiste dans un monde de violence. « Dans ce monde de violence, il semble que toute raison humaine soit absente. On est dans une déraison à l'état absolu du terme. Le quotidien violent des évènements annoncés par les médias nous laisse ce goût amer », souligne-t-elle. Elle reconnaît que la violence a pris le monopole et qu'on assiste à une dictature du refus de l'autre différent. « Il est vrai que nous sommes dans un rapport de rivalité mais nous pouvons également être dans un rapport d'amour, d'ajustement. Et ce, en partant du vécu tout en essayant de faire imaginer le public. De là, je partirais du statut de la philosophie de notre société. Ce qui donne à la philosophie une image n'ayant aucun sens. Aucune place encore moins aucune relation avec le monde ou avec l'autre. Puisqu'elle n'a rien de tout cela, elle est en quête perpétuelle de la sagesse et de la vérité », constate-t-elle. Selon la conférencière, si la philosophie n'a pas sa place dans la société, comment pourrait être une discipline qui appellerait à la paix. C'est autour de cette idée que Leïla Tennci propose le thème de l'amitié et du dialogue et du consensus entre les humains. « Cela paraît quelquev peu idéaliste. La réalité est certes dure mais l'être humain est doué de raison. Il a de ce fait le droit d'espérer et de rêver. Sommes-nous face à une raison ou une déraison quand il s'agit de guerre ou de conflit au nom d'une religion ou d'une différence ? », s'interroge-t-elle.