Le livre de notre confrère Nadjib Stambouli*, aurait dû peut-être s'ouvrir avec le portrait tendre et amusant de son père, Hadj Mahboub. C'est dans le giron familial que tout semble avoir commencé. Dans la maison de cet homme épris de Dieu et d'art, défilaient des hommes comme El Anka, Momo, Iguerbouchene et Hacene El Hassani. Il évoque chacun à travers une anecdote, un souvenir d'enfance savoureux qui restitue la truculence de l'un ou l'excentricité de l'autre. En recevant de tels personnages, celui qui écrivit les paroles de « Min Djibalina » et d' « El Adra » chantée par Chaou a dû semer quelques graines qui ont conduit son fils à devenir plus tard un journaliste de talent versé dans « la culturelle ». Travaillant aux côtés de Tahar Djaout, Ferhani, Djaâd, Balhi, Ouramadane, il fut happé aussi par le virus du théâtre. Il suivait de près le quatrième art, côtoyant ses pionniers et ses espoirs. Est-ce un hasard si la plupart des personnages qu'il évoque avec tendresse, matinée de tristesse pour les disparus, sont des comédiens de théâtre (Sonia, Fellag, Medjoubi, Alloula...) ? Les 18 portraits réunis par Stambouli sont le fruit de ses rencontres, il y a une trentaine d'années. Celles de comédiens (Agoumi), de peintres (Martinez, Khadda....) ou d'écrivains (Kateb Yacine, Azzegagh) et surtout de confrères. Il a eu à partager à Algérie Actualité, puis à l'Hebdo Libéré et enfin à Ruptures, l'amitié, voire la complicité de beaucoup d'entre eux. Le livre nous replonge dans « ce temps irrigué des lueurs joyeuses et pas encore trompeuses d'une Algérie libérée » (P. 192) où la presse n'était pas encore livrée aux adeptes du taylorisme. On découvre des côtés méconnus de Mahmoudi, de Rezzoug ou de Saïd Mekbel, des caractères bien trempés qu'on a peine à imaginer dans l'atmosphère aseptisée des rédactions d'aujourd'hui. Là, c'est une rencontre imprévue avec Kateb, un peu plus loin, Djamel Amrani entraîne l'auteur dans une invraisemblable histoire. Avec un style velouté, parsemé d'anecdotes et de souvenirs qui en rendent la lecture agréable, notre confrère nous présente des personnages saisis dans des moments vrais. Il parle souvent de la voix, de la gestuelle. Il ne se limite pas à l'évocation d'un parcours. Mais le regard subjectif ne fait pas oublier l'essentiel. Il présente l'œuvre, l'apport du créateur à la culture nationale et sa conception de son métier. Certes, l'auteur ne nous livre pas des récits de vie condensés. L'évocation d'hommes (des femmes auraient pu y trouver place), hauts en couleur, à la plume élégante qui portaient les rêves et les illusions d'une époque et d'une génération nous replonge dans ce que le préfacier appelle « une Algérie qui n'existe plus ». Beaucoup d'entre ces hommes ont été fauchés par le terrorisme (Djaout) ou happés par l'exil ou la mort. Ces portraits sont comme des remparts contre l'avancée de l'oubli, des flammes d'une mémoire alerte. Le genre fait florès ailleurs. Il peut même ressusciter des personnalités de l'art ou du sport qu'on n'a jamais approchés ou connus. Se limiter à ses amis comporte toutefois une part de risque. Il est difficile de maintenir un équilibre entre l'objectivité et la complaisance. Le talent reconnu de poète ou de dialoguiste de Ben Mohamed n'en fait pas nécessairement un Amusnaw. R. Hammoudi *Ma piste aux étoiles (préface d'Arezki Metref) 117 pages, Casbah Editions, 550 DA