Le pari de l'ONU apparaît très difficile à tenir, tant la méfiance et le ressentiment sont au paroxysme entre les deux parties. A peine arrivée samedi dernier au soir, l'opposition, qui avait déjà hésité pendant quatre jours avant d'accepter de venir en Suisse, a prévenu qu'elle quitterait les discussions si le régime poursuivait ses « crimes ». « Nous n'entrerons pas dans les négociations avant l'annonce de décisions qui garantiront la levée des sièges et l'arrêt des bombardements des civils », a répété un porte-parole du Haut-Comité des négociations (HCN, opposition). Il a également mentionné comme condition la libération de détenus, dont l'opposition a commencé à dresser une liste. La délégation du HCN, composée de politiques et de représentants des groupes armés sur le terrain, devait s'entretenir, hier, avec l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, aux manettes depuis 2014, après l'échec d'un précédent round de négociations intersyriennes en Suisse — déjà —, qui avait conduit son prédécesseur, Lakhdar Brahimi, à jeter l'éponge. Le diplomate italo-suédois espère amener la délégation de Damas et celle de l'opposition à entrer dans un processus de discussions indirectes. Il a prévu un processus s'étendant sur six mois, délai fixé par l'ONU pour aboutir à une autorité de transition qui organiserait des élections à la mi-2017. Mais toute négociation sur une transition politique semble illusoire à court terme, tant la situation humanitaire est catastrophique sur le terrain. Depuis mars 2011, la guerre en Syrie a fait plus de 260.000 morts et jeté des millions de personnes sur les routes. Et chaque jour, le bilan s'alourdit. 13 autres villes sont assiégées par l'armée, les rebelles ou Daech, selon l'ONU. Points d'achoppement De son côté, la délégation de Damas, menée par l'ambassadeur syrien à l'ONU, ne s'est pas exprimée en public. Les représentants du régime ont rencontré M. de Mistura pendant deux heures vendredi dernier, et selon ce dernier, ils ont « soulevé la question du terrorisme ». La Syrie est devenue avec la guerre une terre de djihad. La menace terroriste est, pour la communauté internationale, incarnée par le groupe Daech. Mais pour le régime de Bachar al-Assad et la Russie, tous les rebelles sont considérés comme des terroristes. C'est sur ces points d'achoppement qu'avaient déjà échoué les pourparlers de Genève en 2014, le régime faisant de la lutte contre le « terrorisme » sa priorité, quand l'opposition voulait parler transition politique. Par ailleurs, le sort du président Bachar al-Assad, dont l'opposition et ses soutiens réclament le départ, ne peut pas faire l'objet de discussions pour des représentants mandatés par le gouvernement syrien. Les grandes puissances, directement touchées par les répercussions du conflit, menace djihadiste et crise des réfugiés, espèrent que les Syriens parviendront à s'entendre. Même si l'ampleur du fossé suscite encore de l'espoir à court ou moyen termes.