L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a estimé à près de 40.000 le nombre des civils contraints depuis lundi dernier à l'exode. Sous la couverture des raids aériens russes — près d'un millier depuis lundi —, l'armée syrienne a resserré l'étau autour d'Alep, grande métropole du nord du pays. Les insurgés sont désormais menacés d'un siège total, la principale route d'approvisionnement entre Alep et la Turquie ayant été coupée. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a exhorté vendredi la Russie à mettre fin à ses frappes en Syrie et à appliquer un cessez-le-feu. Il a affirmé qu'il existait « des preuves selon lesquelles la Russie a clairement recours à ce qu'on appelle des bombes classiques sans guidage. Ce ne sont pas des bombes de précision, et des civils, notamment des femmes et des enfants, sont tués ». Les combats ont aussi perturbé une grande partie de (l'acheminement de) l'aide et des routes de ravitaillement depuis la frontière turque. La crainte des Européens La Turquie accueille déjà quelque 2,5 millions de Syriens. Son Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a affirmé, jeudi dernier à Londres, à l'issue d'une conférence des pays donateurs, que près de 70.000 civils étaient en train de faire route vers le nord pour échapper à la bataille d'Alep. Les autorités turques ont indiqué plancher sur des plans d'urgence pour accueillir ce nouvel afflux de réfugiés. « Nos équipes sont prêtes à leur fournir de l'eau et de la nourriture dès qu'ils seront chez nous », a déclaré le président du Croissant-rouge turc. Sur le plan politique, les ambassadeurs des quinze pays membres du Conseil de sécurité ont été informés vendredi par le médiateur de l'ONU, Staffan de Mistura, de sa décision de suspendre jusqu'au 25 février prochain les négociations indirectes entre gouvernement et opposition qui s'étaient ouvertes à Genève. L'ambassadeur russe Tchourkine a indiqué que Moscou allait « mettre certaines nouvelles idées sur la table », jeudi prochain à Munich, lors d'une réunion du Groupe international de soutien à la Syrie. L'ONG islamique turque IHH a été autorisée à franchir la frontière pour apporter de l'aide d'urgence, notamment de l'eau, de la nourriture et des couvertures, aux réfugiés syriens massés à Bab al Salama. Au moins huit camions d'IHH, célèbre pour avoir affrété une flottille violemment stoppée par l'armée israélienne au large de Ghaza en 2010, ont effectué une rotation hier entre les deux pays. L'Union européenne a rappelé, dans la matinée de la même journée à Ankara, son devoir humanitaire. Sa grande crainte est de voir ces milliers de personnes prendre, après une halte en Turquie, le chemin du vieux continent. Les Européens ont scellé un accord fin novembre 2015 avec Ankara pour l'amener à mieux endiguer les flux de migrants qui gagnent les îles grecques depuis les côtes turques. Ankara a obtenu en échange la mise sur pied d'un fonds de trois milliards d'euros pour améliorer les conditions de vie des deux millions de réfugiés syriens vivant en Turquie, et que ses négociations d'adhésion à l'UE, bloquées depuis 2005, soient « redynamisées ». Un marché ou chacun préserve avant tout ses intérêts.