En Algérie, le thème du terrorisme revendique, bien des années après la décennie noire, une riche bibliographie. Mais le roman a-t-il pour autant dûment illustré l'ampleur de ce phénomène ravageur ? Comment nos auteurs (romanciers, nouvellistes, poètes, essayistes) ont-ils traité de la question ? Quelle est la place occupée dans ce que les critiques qualifient de « littérature d'urgence » ? Autant de questions et de questionnements qui ont fait l'objet d'une conférence-débat, animée, samedi dernier, à la bibliothèque du Palais de la culture Moufdi-Zakaria dans le cadre du « Rendez-vous avec le roman », fraîchement lancé par le ministère de la Culture. Une armada de romanciers, non des moindres, Amine Zaoui, Hamid Abdelkader et H'mida Layachi, se sont relayés au pupitre, pour faire part de leurs expériences et leurs réflexions sur une thématique. Ils relèveront à l'unisson que celle-ci n'a pas suscité encore l'intérêt souhaité. Après avoir esquissé le contexte politique et sécuritaire durant les années 90, marqué par la montée fulgurante de l'islamisme radical et son discours extrémiste, l'écrivain-journaliste, H'mida Layachi, a mis l'accent sur l'engagement des intellectuels dans la lutte contre le projet intégriste. Pour l'auteur des « Déambulations », cette mobilisation a même poussé les journalistes, témoins réels des massacres perpétrés par les groupes terroristes, à tremper leur plume dans la prose, malgré les assassinats en série et les menaces de mort les visant en premier lieu. « En publiant Déambulations, je voulais me libérer de la peur et proposer un texte qui traite l'horreur avec l'esthétique nécessaire à la littérature », a-t-il remarqué, non sans pointer du doigt les « origines arabo-musulmane et maghrébine » de la violence citant les atrocités commises par l'Etat fatimide conquérant. Forte mobilisation Tout en partageant cette approche, Amine Zaoui s'en va, lui, mettre en exergue le travail d'écrivains ayant réservé une large place à la violence dans leurs œuvres. Il a évoqué, en premier, les pionniers du roman algérien, à l'image de Mohamed Dib, Kateb Yacine, Rachid Boudjedra qui ont, chacun à sa manière, mis de leur verve pour dénoncer le terrorisme dont se servait l'ordre colonial pour maintenir le peuple sous son joug. La véhémence des grands classiques a peu à peu, poursuit l'auteur de « Le Sommeil du mimosa », laissé place à des auteurs révélés au lendemain de l'Indépendance. « Ces écrivains ont pris pour cible le terrorisme religieux et politique », a-t-il soutenu en citant, pour parfait exemple, les œuvres de Rachid Mimouni. Quant à la troisième génération, ses auteurs les plus en vue se sont fortement mobilisés pour soutenir l'intellectuel dans son combat contre l'intégrisme islamiste et son bras armé, les groupes terroristes. Romancier prolifique, avec une œuvre riche et variée, écrite dans les deux langues, arabe et français, Amine Zaoui a, pour étayer ses propos, évoqué quelque-uns de ses romans, tels que « La Soumission », « Le Dernier juif de Tamentit ». Pour sa part, Hamid Abdelkader a insisté sur le slogan moderniste porté à bout de bras par les écrivains algériens ayant vécu dans leur chair la décennie noire. « Certains ont laissé leur vie, pour contrecarrer et le terrorisme et son idéologie extrémiste », a-t-il rappelé.