Tel est le constat établi, hier, par le vice-président de l'ordre des pharmaciens, Mohamed Sanadiki, à l'occasion du forum Santé Pharma, sous le thème « Pharmacie, psychotropes et les dangers du marché parallèle ». Selon Sanadiki, la fabrication de faux médicaments ne répond pas aux normes édictées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et leur propagation prend des proportions alarmantes en Algérie avec quelque 27.000 produits importés illégalement. « Des pharmacies voyous, des charlatans guérisseurs et des délinquants proposent des médicaments d'importation mafieuse sans vignettes et sans factures », a-t-il révélé. A cet effet, Sanadiki a précisé que les moyens de lutte reposent essentiellement sur une prise de conscience globale et le suivi de la nomenclature qui comprend 5.000 produits pharmaceutiques. Selon lui, le phénomène est encore à ses débuts en Algérie comparativement à d'autres pays et ce, grâce à la présence de la caisse de sécurité sociale qui prend en charge pratiquement tous les citoyens. Mais il n'y a que la digue de l'assurance sociale pour empêcher l'explosion de l'informel et surtout du trafic de psychotropes. Fahima Lekhal, pharmacienne à l'hôpital de Ben Aknoun, a expliqué que l'approvisionnement des établissements de santé en médicaments doit se faire sur un carnet à souche à 3 volets délivré par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). Elle a rappelé qu'en Algérie, 18 produits stupéfiants (morphiniques) existent dans les CHU. En outre, l'arrêté du 29 juin 2013 a apporté un plus quant aux données des traitements de la douleur dans la prise en charge des maladies lourdes. « Deux officines dans la wilaya d'Alger commercialisent ces produits », a-t-elle indiqué. Psychotropes, produits à surveillerx Pour Wahiba Gacem, pharmacienne responsable à l'hôpital psychiatrique Drid Hocine, les psychotropes réduisent la souffrance et leur utilisation s'est généralisée. Elle a rappelé, dans ce sens, qu'il y a en Algérie deux décrets portant classification des plantes et substances classées comme stupéfiants psychotropes ou précurseurs. Evoquant le circuit des psychotropes, elle a fait savoir que le pharmacien doit assurer et déclarer les prestations depuis l'arrivée du médicament jusqu'à sa distribution et sa consommation par le malade selon la circulaire du ministère de la Santé du 22 novembre 2005. Elle a précisé que les producteurs doivent aussi disposer d'un registre spécial des entrées et sorties des médicaments. Dans ce contexte, elle a recommandé d'établir un fichier national des malades mentaux, de classifier les substances psychotropes, de favoriser le bon usage par ordonnance, d'encadrer les conditions d'utilisation, de prescription et de délivrance et de réduire le conditionnement de certains psychotropes. S'agissant de l'usage et de la dépendance du médicament psychotrope, Noria Benyakhlef, professeure au service de psychiatrie de l'hôpital Drid Hocine, a rappelé que le psychotrope n'est pas une drogue mais un médicament qui soigne une maladie bien déterminée. Toutefois, elle a signalé que le médicament est parfois consommé en dehors de tout contexte médical et peut faire l'objet de détournement, voire de trafic, au même titre que les drogues illicites. Raison pour laquelle, elle a recommandé de favoriser la sensibilisation et l'information de la population sur les risques liés à l'usage inapproprié de médicaments, mener des actions dans les établissements scolaires, renforcer l'information dans les cabinets médicaux et les officines pharmaceutiques, informer les patients sur les risques de pharmacodépendance et améliorer les conditions de prise en charge médicale des patients dépendants et maintenir l'accès sur prescription médicale. Pour une Nouvelle stratégie de santé publique Représentant l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Ghania Heddache a souligné que son institution tend à l'élaboration d'une politique publique contre le détournement des psychotropes. L'objectif est de mettre en place une nouvelle stratégie de santé publique. « La répression n'a pas réussi à prévenir l'usage de la drogue et la consommation continue à se propager dans les différentes tranches d'âge », a-t-elle signalé. Selon elle, 13.000 personnes sont suivies au niveau des centres intermédiaires, dont 67% sont âgés entre 19 et 35 ans. « Actuellement, l'Office se penche sur la consommation psychotrope à l'origine d'accidents de la circulation », a-t-elle annoncé. Compte tenu des dangers et dérives, les professionnels du secteur pharmaceutique en collaboration avec les ministères de la Justice, de l'Intérieur et de la Santé se sont entendus pour travailler de concert afin de lutter contre les phénomènes extrêmes que sont les trafics organisés. Raison pour laquelle, cette rencontre a porté sur les conditions nécessaires à la mise en place d'un cadre de concertation et pour engager des réflexions pour l'amélioration de la traçabilité des psychotropes et la mise en place de procédures de contrôle et d'inspection harmonisées. Rym Harhoura DGSN : La prévention et la répression pour lutter contre le trafic de stupéfiants La stratégie de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) s'appuie sur deux principaux volets. Il s'agit de la prévention et de la répression. C'est ce qu'a indiqué Tahar Tilouin, représentant de la DGSN à l'occasion du forum Santé Pharma. Selon lui, la police de proximité tend à se rapprocher davantage des jeunes et établir un contact direct avec les citoyens. Dans ce contexte, a-t-il rappelé, des cellules d'écoute ont été mises en place en 2004 pour prendre en charge les toxicomanes pour les aider à décrocher. Evoquant le trafic local, il a signalé que la tendance a évolué en 2015 se traduisant par la saisie de 395.229 comprimés psychotropes. L'Ouest du pays est la région de prédilection de ce trafic. « Ce phénomène s'explique par le coût accessible de ces produits et le recours aux ordonnances de complaisance en plus de la complicité de certains représentants hospitaliers », a-t-il souligné. A cet effet, il a souligné que sur le plan répressif, la DGSN a mis en place 48 brigades spécialisées dans la lutte contre ce fléau.