Les dernières recommandations du FMI relatives à la situation économique de l'Algérie ont suscité des réactions mitigées chez les économistes. L'expert Mourad Goumiri souligne que le FMI n'est qu'un conseiller, et que c'est au gouvernement de prendre et d'assumer les décisions. « On pensait, il y a six mois, que le prix du baril du pétrole allait rebondir. Or, toutes les analyses s'accordent à dire que la crise pétrolière est structurelle et durable », dit-il. L'économiste Mustapha Mekideche estime, pour sa part, que ces recommandations sont déjà évoquées dans la loi algérienne. « Le FMI n'apporte rien de nouveau. Nous sommes obligés d'aller vers l'endettement extérieur. Il ne faut pas attendre l'épuisement de nos réserves pour le faire. Cela pourrait nous coûter cher », assure-t-il. Toutefois, il conseille d'aller vers un endettement ciblé, pour la couverture de gros projets d'investissement et non pour la consommation. L'expert et consultant international Abdelmaledk Serrai, rejette en bloc cette option. « Nous n'avons pas besoin d''endettement extérieur. Nous avons des ressources en dinars stockées et non exploitées. L'argent de l'informel, les fortunes,...S'il faut aller vers l'international, il faut le faire dans le cadre des projets de partenariat et de coopération », affirme-t-il. Cet expert s'oppose aussi à la privatisation des entreprises publiques. « L'ouverture du capital des entreprises publiques est souhaitable. Mais l'Etat doit garder un monopole d'au moins 30% pour préserver les postes d'emploi. La gestion des entreprises publiques doit adopter le management privé sans pour autant aller vers la privatisation », estime-t-il. Mekideche favorise, dans ce contexte, le partenariat public-privé pour un meilleur rendement des entreprises. Ces experts encouragent, par ailleurs, l'assouplissement de la règle 51/49, comme évoquée par le FMI. Serrai indique qu'il faudra la préserver pour les projets d'envergure et stratégiques. Et la remplacer par d'autres formules pour les petits projets de PME-PMI. Mekideche pense qu'il est nécessaire d'évaluer cette règle et de l'appliquer au cas par cas. Concernant la révision des systèmes d'exonération fiscale, comme recommandé aussi par le FMI, ces experts signalent qu'il faudrait s'assurer qu'il en découle une réelle « contrepartie ». « Les exonérations fiscales, pour qu'elles jouent le rôle de moteur de l'investissement et de l'emploi, doivent être soumises à des contreparties contrôlables et drastiques. Ce qui n'est pas le cas », souligne Goumiri. Mekideche estime également qu'il est utile de vérifier que cette exonération favorise véritablement la production nationale. « Il faut mettre des garde-fous autour de ce système pour vérifier qu'il n'est pas seulement à l'origine de cas de rente », dit-il. Serrai se dit favorable à l'exonération fiscale au profit des entreprises productives. Mais il est contre l'exonération qui ne protège pas la production nationale. Nos interlocuteurs approuvent également la réforme du système des subventions. Goumiri fait part de la nécessité d'évaluer l'efficacité de ce système. « Il faut définir ses objectifs et les motivations à l'origine de sa création. La question fondamentale est donc de savoir si les populations ciblées sont toujours vulnérables et méritent de bénéficier des subventions », dit-il. Mekideche et Serrai plaident pour des subventions ciblées. « Au lieu de subventionner les produits de large consommation pour tout le monde, il faudra aider les foyers dont le revenu est estimé à moins de 40.000 DA par un soutien financier », recommande Serrai.