C'était dans l'après-midi de samedi dernier, au cinéma El Khayam (ex-Debussy), à deux pas du siège du HCA (Haut commissariat à l'amazighité). Devant une assistance assez nombreuse, deux femmes sont venues parler d'elles, de ce qu'elles font lors de périodiques rencontres qu'organise l'instance qui cherche ainsi à mettre en valeur le parcours de femmes qui défendent l'amazighité par leur talent. Dans une courte allocution, M. Assad El Hachemi a estimé qu'elles fournissent des images d'une Algérie qui avance, en écho à la satisfaction de la vénérable Mme Amhis qui a salué également le talent des deux femmes. « Elles sont des modèles pour nos jeunes », dira-t-elle. Le secrétaire général du HCA a affirmé que d'autres créatrices d'autres régions du pays comme Khenchela et Tamanrasset seront « également mises en avant » et que l'instance qu'il dirige aura à cœur « d'accompagner, pas seulement par des mots, leur travail ». Le cœur et la raison L'une, Anissa Mohammedi, qui vit en France depuis 1999, aligne des vers tantôt en français, tantôt en kabyle. Elle a déclamé quelques uns et évoqué à la fois son amour de la terre natale même si elle reconnaît, en parlant de sa propre expérience, que « les créateurs ne sont pas suffisamment aidés et valorisés ». Elle a parlé surtout avec passion de sa poésie ; des sources d'où elle jaillit et de la valeur des mots, un peu comme si la poésie était pour elle une sorte de prière. Elle me permet de « créer de l'extraordinaire à partir de l'ordinaire », de sublimer en somme le banal. La fille de Bouzeguene est sans doute la première à avoir déclamé quelques « isefras » dans la langue de Si Mohand lors d'un récent festival à Granada au Nicaragua. Celle qui vient de publier un conte en double version (kabyle-arabe) sous le titre « Qui est le Roi de la forêt ou Anwa i d Aggelid n teszgi » a mis en avant le lyrisme et la propension à l'allégorie dans ses compositions. L'ex-étudiante en biologie est revenue ensuite sur un parcours entamé avec la parution, en 1997, de son premier recueil « Soupirs » et ce passage entre les langues dont l'une serait celle du cœur et l'autre celle de la raison. Elle a avoué sa dette pour Aït Menguelet et proclamé son désir d'ouverture. La voix d'or L'autre « star » était Celia Ould Mohand, fortement applaudie. Elle est venue avec son Micro d'or, obtenu récemment dans l'émission « Alhan wa Chabab ». Ses reprises de Matoub et de Takfarinas ont tourné récemment sur les réseaux sociaux. Voilà une fille espiègle, riant de tout et de rien et surtout dynamique et sans complexe. D'une famille originaire de Yatafene, elle est née et a vécu à Oran où elle a fait le conservatoire de musique. « Cinq ans en spécialité violon », précise-t-elle tout en revenant sur l'école d'Alhan wa Chabab, l'atmosphère et les relations amicales entre les finalistes. Elle a tenu aussi à démentir l'existence de prix comme le 4x4 ou l'appartement dont auraient été gratifiés les heureux finalistes. Elle se permet 16 de moyenne en classe de 2AS et chante admirablement. Elle passe à l'aise et sans nulle contrainte d'un istkhbar andalou à un Achewiq kabyle. Elle a d'ailleurs ravi les présents en chantant, a cappella, clôturant avec « Ayaaassas » de Takfarinas. Ancrée dans la langue et la culture de ses parents, présents dans la salle, elle entonna aussi de sa belle voix des chants en anglais et en français. C'est peut-être cela aussi l'Algérie des couleurs qu'on veut voir émerger et célébrer comme ailleurs.