Traitant de l'histoire dans une conception innovante, la comédienne et metteur en scène, Tounes Aït Ali, a choisi, dans son nouveau spectacle « Talt khali » (nulle part) produit par le théâtre régional d'El Eulma, de mettre en valeur trois personnages : Houria Bahloul (Khamssa, femme haineuse), Amel Belhoum (Khadra, femme trompée) et Rima Attar (Zohra, femme émancipée). A travers cette œuvre réalisée en un mois de préparations et filages (répétitions), Tounes Aït Ali met en jeu ces trois personnalités, aux destins divers mais croisés. Tounes Aït Ali, même si elle n'est pas féministe, traite en profondeur la condition de la femme en Algérie. « Talt khali » est une pièce de théâtre en quatre tableaux pour divers actes. Elle dépeint l'histoire de trois jeunes dames évoluant, durant une heure et dix minutes de temps, dans un décor quasi nu composé de trois valises et où évoluent trois silhouettes de femmes suspendues. Zohra est une femme émancipée et libérée dans son mode de vie personnel et professionnel. Elle a accumulé des expériences. Elle a fait plusieurs rencontres parfois heureuses et parfois moins heureuses. Khamssa est une compagne rongée par la disparition de son bien-aimé lors de la période « sinistre » de la décennie noire. Khadra est une femme mariée ayant des enfants, qui découvre l'infidélité de son époux. Elles s'expriment à bâton rompus dans un tribunal imaginaire. Elles émettent, tour à tour, des vœux, des souhaits, des regrets, des rêves, des projets... Le texte de Mohamed Chouat est universel. Mieux, cette œuvre est intemporelle, s'adaptant autant aux sociétés modernes que traditionnelles. Le texte évoque des thèmes sensibles et proches du réel. A priori, tout semble opposer ces trois personnages. Elles se parlent, relatent des histoires aussi intimistes qu'émouvantes, mais derrière cette narration, c'est le côté humanité des personnages qui ressort. La pièce suscite une émotion universelle car elle pose avant tout la question bien plus large du comportement humain et surtout le rapport à l'autre. Dans sa dimension la plus large. Le public retiendra le travail minutieux du scénographe Chawki Khouadri, qui a offert une grandeur au texte, en alternant les trois histoires. Même si le décor est pauvre, il parvient à rapprocher les comédiens du public. L'éclairage et la création musicale réalisés par Farouk Arzaouna et Houcine Smati étaient concluants. Ils ont réussi à transmettre des émotions. Le jeu des jeunes comédiennes était remarquable. L'équipe de « Talt khali », qui sera en tournée à partir du mois de mai, sillonnera les régions de l'Est, de l'Ouest et jouera à Alger. La pièce sera probablement distribuée au festival du théâtre féminin d'Annaba et prendra part au festival du théâtre expérimental en Egypte.