Les réserves stratégiques en carburant souffrent énormément des perturbations des circuits d'approvisionnement. Six des huit raffineries françaises tournent au ralenti, ou sont à l'arrêt. Selon le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, 20% des quelque 12.000 stations-services françaises sont « en difficulté » d'approvisionnement. Hier, la sonnette d'alarme a été tirée par le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), Francis Duseux. « Depuis deux jours, comme il y avait des problèmes de fonctionnement dans le raffinage, des blocages de dépôts, on a, en collaboration avec les pouvoirs publics, commencé à utiliser les stocks de réserve », a-t-il déclaré. Et, si jusque-là le gouvernement de Manuel Valls exclut le recours aux perquisitions dans les raffineries en grève, la fracture s'accentue entre les syndicalistes et l'Etat décidé de les déloger des dépôts, comme ce fut le cas au site de Douchy-les-Mines (nord) dégagé par les forces de l'ordre, à Brest (nord-ouest) et, la veille, dans le Sud-Est, paralysés par des militants de la CGT. La bataille des raffineries prend de l'ampleur. « Tant que le gouvernement refuse de discuter, il y a des risques que la mobilisation s'amplifie », a prévenu, hier, sur la radio France Inter le leader de la CGT, Philippe Martinez. A quelques semaines de l'Euro nécessitant le déploiement de 60.000 policiers et gendarmes pour prévenir une « attaque terroriste », a annoncé le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, ce ne sera pas certainement sans conséquence sur la stabilité et l'image de marque de la France marquée au fer par les attentats en série de janvier et de novembre 2015. D'autant que la contagion peut s'étendre aux secteurs névralgiques portuaires, aéroportuaires et ferroviaires (trois trains à grande vitesse sur quatre en circulation. Un appel à la grève a été lancé pour aujourd'hui dans les centrales nucléaires, de nature à affecter la production électrique. Les principaux ports de Marseille (sud) et du Havre (nord) s'apprêtent à rejoindre le mouvement de contestation. Et si d'aventure, avertit Edouard Philippe, le maire du Havre (40% des importations françaises), les personnels des terminaux pétroliers mettent à exécution la menace de débrayage, « au bout de cinq ou six jours, il n'y a plus de carburant dans les aéroports parisiens ». La bombe de la réforme contestée de la loi du travail est lâchée. Le « jusqu'au-boutisme » de la CGT est porteur des « pires violences », s'inquiète le quotidien Sud-Ouest. Il est dénoncé par le gouvernement, décidé à ne pas lâcher prise et à dépasser ce « cap un peu difficile ». L'impasse est totale entre l'Elysée, privilégiant le dialogue au « Parlement et pas dans la rue », et la coalition syndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires), les organisations de jeunesse (Unef, UNL et Fidl). Après plus de deux mois de mobilisation des salariés, des jeunes, des privés d'emploi et des retraités, la pression monte crescendo. A la veille des débats au Sénat, une journée de grève interprofessionnelle et une manifestation nationale à Paris sont prévues le 14 juin prochain. L'idée d'un référendum est avancée par le ministre contestataire, Arnaud Montebourg, pour tenter de mettre fin à la contestation sociale. A un an de la fin du mandat du président, François Hollande, la gauche se livre à un combat de coqs. Et se lézarde dangereusement.