Les nuits sont animées à Belouizdad où les habitants tiennent, coûte que coûte, à honorer comme il se doit le mois sacré. Les rues sont bondées de monde et les cafés ne désemplissent pas, même si les petits commerces cèdent, petit à petit, la place aux nouveaux centres commerciaux. Plus aucune salle de cinéma n'existe dans le quartier qui en comptait au moins six. Ce qui est frappant, en arpentant l'avenue Belouizdad, c'est le nombre d'immeubles démolis, après avoir subi de sérieuses dégradations. Le quartier tombe en ruine, et partout, de nouvelles parcelles de terrain grillagées témoignent de l'ampleur du phénomène, qui touche, pratiquement, tous les coins de Belouizdad, que ce soit à Laâqiba, la Carrière, au boulevard Cervantès, ou ailleurs. Sous les poids des ans et de la surpopulation, les habitations vétustes ont cédé et il devient plus qu'urgent d'élaborer un plan de sauvetage de ce qui reste dans Belouizdad. Il règne une ambiance de nostalgie, de bon vieux temps, et un peu d'incertitude quant à l'avenir du quartier. Pour beaucoup, quitter le quartier de leurs parents, de leur enfance, paraît difficile, mais incontournable. Les différentes vagues de « rahla » (relogement) qui ont touché le quartier sont sur toutes les langues. « On les a expédiés vers Birtouta, Larbaâ et je ne sais où encore, et ils sont tous les jours ici, par ce qu'ils n'arrivent pas à s'habituer à leurs nouveaux quartiers », peste Chérif qui dit préférer « vivre dans la précarité ici que d'aller dans ces cités où l'ennui me tuera à petit feu ». Les murs de Belouizdad sont couverts de graffitis à la gloire du club du quartier. Mais dans les discussions, une grande amertume gagne les fans du CRB. « Regardez comment ils ont transformé un grand club en un club pour bricoleurs », lance Mohamed, avant de pointer du doigt la direction. « La saison écoulée, on avait la possibilité de jouer le titre, du moins la seconde place. On dirait que la direction a tout fait pour éviter que le club se classe parmi les équipes devant jouer des compétitions continentales, pour ne pas avoir à débourser de l'argent. Regardez comment la direction se cache, au moment où tous les clubs cassent leur tirelire pour faire signer les meilleurs joueurs, le CRB reste absent du mercato. On ne gère pas une équipe comme on gère une épicerie. S'ils sont incapables d'assurer les financements, qu'ils démissionnent ». N'empêche, les soirées ramadhanesques se déroulent paisiblement, comme le veut la tradition dans ce quartier populaire, dans les cafés, les placettes publiques, ou au pied des immeubles. Les interminables parties de dominos ou de cartes meublent l'essentiel des soirées, accompagnées de gâteaux, de thé et de café. C'est que, pour beaucoup, les soirées du Ramadhan demeurent le seul moment de l'année où l'on se retrouve entre amis et voisins et que, pour rien au monde, on ne raterait. Et de tradition, à Belouizdad, les soirées riment avec shopping. Les nouveaux centres commerciaux attirent notamment la gent féminine à la recherche de vêtements de l'Aïd, mais aussi histoire de flâner un peu. Les prix plus ou moins abordables attirent beaucoup de monde, surtout les familles nombreuses obligées d'honorer la tradition de l'Aïd.