Comme il y a les « serial noceurs », il existe des « serial dormeurs ». Alors que les soirées ramadhanesques battent leur plein et que beaucoup se plaignent que les nuits soient trop courtes pour en profiter davantage, certains continuent leur train-train quotidien, comme si de rien n'était. Rafik est de ceux-là. Cadre dans un laboratoire pharmaceutique, il ne change rien à ses habitudes : « A 23 h, je suis au lit. Je ne peux pas me permettre le luxe de veiller, sachant que le lendemain matin, je dois me réveiller, conduire et surtout bosser, pour qu'en fin de journée, je puisse faire les courses avant de rentrer à la maison, complètement épuisé. C'est un train de vie infernal et le week-end, j'en profite pour me reposer un peu. » Alors, quand on lui fait remarquer que tout le monde veille et sort durant les nuits du Ramadhan, il ne comprend pas. « Ça m'a toujours intrigué ces gens qui veillent jusqu'à l'aube pour, ensuite, aller travailler. Comment font-ils ? Je l'ignore. En tout cas, je ne peux pas prendre de congé pendant le Ramadhan, juste pour veiller tard et ne rien faire de la journée. » Rafik n'est pas le seul dans ce cas. Dans un café, nous croisons Sadek, comptable dans une entreprise privée. Pressé de siroter son breuvage, il doit retourner à la maison pour regarder la suite des matchs de l'Euro. « Je passe mes soirées devant la télévision. Je suis gâté avec l'Euro et Copa America. Pour les soirées dehors, je suis plutôt casanier. Je rentre du travail fatigué, alors, je préfère rester à la maison et profiter de ces deux événements. » Madjid, la quarantaine, travaille dans une banque publique au centre-ville. Il est réglé comme une horloge. « Pas question de veiller au-delà de minuit, qu'il vente ou qu'il neige, Ramadhan ou pas. Mes enfants, eux, veillent jusqu'à l'aube, dans le quartier, pas moi. J'ai pris des habitudes. Je dors toujours avant minuit et me réveille toujours à six heures et demie du matin. Je zappe le s'hour. Je ne me rappelle pas si je l'ai pris un jour de ma vie. Et franchement, je ne comprends pas comment font les gens pour veiller aussi tard pour ensuite aller travailler le matin ! Mes amis me disent que je ne suis pas normal et moi je dis que ce sont eux qui ne sont pas normaux. » Même pour l'achat des vêtements de l'aïd, Madjid ne voit pas l'utilité de le faire durant les soirées. « Pourquoi faut-il le faire le soir ? Et pourquoi spécialement pendant le Ramadhan ? On a toute l'année pour le faire, je ne comprendrai jamais cette manie des Algériens à vouloir, coûte que coûte, acheter les vêtements de l'aïd, durant les soirées du Ramadhan. » Madjid fera remarquer qu'il est loin d'être une exception. « Mes collègues, surtout femmes, font comme moi. Pas question de veiller, après une journée de travail suivie d'un harassant passage à la cuisine. Et franchement, quand on me dit que les femmes sont nombreuses à sortir le soir durant le Ramadhan, je me demande comment elles font pour trouver le temps de cuisiner, de faire la vaisselle et sortir la nuit ? » A chacun ses arguments, à chacun sa façon de vivre. N'empêche, l'ambiance des soirées ramadhanesques bat son plein.