C'est Dar Aziza, un palais du XVIe siècle de La Casbah, qui a abrité cette année une exceptionnelle soirée de ressourcement culturel, conjointement organisée par l'Association des amis de la rampe Louni Arezki Casbah et l'Office de gestion des biens culturels protégés jeudi dernier, correspondant au 18e jour du mois sacré de Ramadhan. Dans une chaleureuse ambiance de convivialité familiale amplifiée par une très nombreuse assistance, parmi laquelle étaient présents l'écrivain Kaddour M'hamsadji, Kamal Bouchama (ancien ministre), Mourad Preure (expert en économie énergétique), Abderrahmane Djelfaoui (écrivain et poète), Zakia Kara Terki (virtuose interprète de la chanson andalouse) et Zoubida Amirat (veuve du regretté moudjahid Slimane Amirat), que les différentes facettes de notre fabuleux patrimoine culturel ont été revisitées en la circonstance, notamment la poésie populaire, le jeu de la boqala et le m'dih chaâbi traditionnel appropriés au contexte de ce mois de foi, de solidarité et de culture. En un relais enchanteur de la verve et de la rime « du chiir el melhoun », la brillante et prolifique poétesse de renommée Fouzia Laradi et Rabah Haouchine, un aède de notoriété, ont séduit l'ensemble de l'auditoire par de belles envolées déclamatoires de grande esthétique aux mots ciselés et au verbe d'extase. Très appréciée et savourée par un large public très attentif, cette magnifique joute oratoire fut suivie par une remarquable intervention centrée sur la thématique du jeu de la boqala, soutenue par le doyen des écrivains algériens, Kaddour M'hamsadji, qui a captivé tous les présents dans une studieuse concentration à travers une communication pédagogique sur la genèse de cette littérature d'oralité et d'érudition de culture citadine pratiquée ancestralement par les femmes d'Alger. C'est un pan de l'histoire qui fut ainsi exhumé à travers une rétrospective très instructive, savamment développée par cet auteur perspicace d'un célèbre ouvrage consacré à la boqala et qui demeure un référent majeur pour l'historique de cette variante ancestrale d'une culture de raffinement de grande beauté poétique, laquelle a jadis rayonné dans l'univers civilisationnel des femmes d'El Bahdja sur les proverbiales terrasses des douerate de La Casbah, leurs lieux de prédilection, qui étaient aussi un promontoire idéal de remémoration inspirée par la mer Méditerranée, évocatrice de la trame historique de la boqala qui est existentiellement et originellement algérienne, tel que l'a affirmé avec insistance Kaddour M'hamsadji, un des spécialistes avérés en la matière. Cette liesse de fête culturelle qui s'est ainsi érigée dans l'euphorie en un véritable « conclave » de ressourcement et de réappropriation du patrimoine, de la mémoire et des traditions a été clôturée par un récital de la chanson chaâbi interprétée par le talentueux Tarek Difli de Constantine, un pur produit de la prestigieuse école classique du malouf connue du public algérois, qui a littéralement conquis l'assistance par un répertoire très affiné d'une symbiose d'harmonie du chaâbi algérois et du malouf de Constantine. C'est à travers cette symbolique que le public a demandé au chanteur l'interprétation de refrains de pur malouf en un geste de sympathie et d'amitié en direction des mélomanes et de la population de l'antique Cirta. Une rencontre mémorable, dont l'impact est également significatif de par la réjouissance et l'avidité de la nombreuse assistance à découvrir l'incommensurable et plurielle richesse d'un patrimoine authentique d'algérianité. Un legs précieux d'ancestralité qui est par ailleurs un élément fondamentalement structurant de notre personnalité et qui doit générationnellement être pérennisé pour la postérité, à travers les cycles des âges et du temps. Lounis Aït Aoudia Président de l'Association des amis de la rampe