Les Marocains tenteront d'élever leur voix aujourd'hui dans plusieurs villes du Royaume pour dire «non» à la pauvreté, au chômage, à l'analphabétisme, à la corruption et «oui» à la démocratie, à la justice, à la vie dans la dignité et à une «large réforme politique» dont celle de la Constitution pour faire du peuple «la seule source de légitimité et de la souveraineté». Au grand dam du Palais et du parti de l'Istiqlal qui attribuent à cette marche des «objectifs ambigus», les manifestants bénéficient d'un soutien en or massif : celui du Prince Moulay Hicham, le cousin de Mohammed VI. Révolution de Palais en vue ? «Nous appelons tous les Marocains à manifester le 20 février pour la dignité du peuple et pour des réformes démocratiques», indiquent les organisateurs de cette manifestation qui ont reçu le soutien de plus de seize organisations de la société civile, notamment celles qui interviennent dans la défense des droits de l'Homme. «Ou on amorce en urgence des réformes incontournables ou on rentre dans une aventure dangereuse», écrivent en filigrane plusieurs éditorialistes à Rabat. Nos voisins de l'Ouest qui appellent à la réforme de la Constitution, la démission de l'actuel gouvernement, la dissolution du Parlement, la lutte contre la corruption, la libération des détenus politiques, la fin de la censure et de la «bénalisation» de l'économie marocaine (117e rang mondial) et veulent, in fine, une monarchie constitutionnelle comme celle en Espagne, la séparation réelle des pouvoirs, une redéfinition des prérogatives de la monarchie et le vote au suffrage universel d'un Premier ministre avec toutes les prérogatives pour choisir ses ministres. Sûrs du bien-fondé de leurs revendications, ils promettent de ne pas baisser les bras «jusqu'à la satisfaction de nos revendications». Parmi celles-ci, la démission du gouvernement et la dissolution du Parlement. «C'est le seuil minimum que nous accepterons», affirme Oussama El-Khlifi, un des membres du Mouvement des jeunes du 20 Février, mettant en garde «contre toutes les tentatives de provocation». Aux dernières nouvelles, la Jeunesse d'Al Adl wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), le mouvement islamiste interdit mais toléré, serait de la partie avec ses «30.000 à 40.000 adhérents». Face à cette détermination, le Palais retient son souffle et prépare ses troupes. Le Roi exclut tout rôle au prince rebelle et cousin germain d'Al-Walid bin Talal d'Arabie Saoudite, dans une éventuelle transition. Même si personne ou presque ne remet en cause son trône, Mohammed VI a cru bon de consulter son ami Sarkozy sur la manière de gérer cette crise annoncée et de commander du matériel antiémeutes à Israël. Selon le journaliste opposant Ali Lmrabet, Rabat a commandé récemment du matériel antiémeute à l'Etat hébreu. Ce matériel aurait été acheminé par mer à bord de deux cargos de transport de troupes C130, et a été réceptionné il y a une dizaine de jours à l'aéroport militaire de Ben Slimane. Le Makhzen s'agite. Abbas El Fassi, le Premier ministre, annonce au lendemain d'une rencontre avec la classe politique certaines mesures pour atténuer la tension dans plusieurs secteurs socio-économiques. Comme l'octroi de 15 milliards de DH en sus des 17 milliards prévus par la loi de finances 2011 à la caisse de compensation pour palier toute autre hausse de prix de produits de première nécessité et la mobilisation de son gouvernement pour satisfaire les doléances des diplômés chômeurs. Outre ces deux mesures, le Premier ministre aurait accepté aussi de parler avec les «politiques» sur les réformes liées aux élections législatives prévues en 2012.