C'est un passé à la fois proche et lointain. Le départ en vacances était synonyme de fête. Une semaine avant déjà, l'effervescence de la grande évasion s'annonçait tambour battant. Les valises et les cabas grands ouverts attendaient chaque jour d'être remplis de mille et une choses utiles et superflues que les enfants s'empressaient de tasser pêle-mêle, pour les camoufler au regard vigilant des parents. Mais c'était compter sans l'œil averti de la maman à laquelle échoit généralement ce genre de tâche. Le père, lui, s'occupait d'organiser le voyage. Il louait les services d'un chauffeur voisin, dans la plupart des cas pour acheminer la famille au village pour les trois mois que duraient les vacances d'été. Les senteurs d'antan, les odeurs du feuillage, des arbres et des champs avaient un parfum particulier, que les vitres baissées durant tout le trajet pour glaner un peu de cet air qui manque tant en ces jours de grosses chaleurs là-haut sur la montagne permettaient de humer à poumons déployés déjà à l'entrée de la rase campagne. Cette dernière n'en était pas une sans cette odeur de bouse de vache, de figuiers ou même de ces feux de bois utilisés pour la cuisson des aliments ou autres pains faits maison... Tout un rituel parfumé et coloré que les cimes des montagnes, que la piste des chemins escarpés ou encore des routes caillouteuses offraient aux vacanciers d'un été que l'on ne saurait vivre loin de la grande famille du village dans lequel les parents sont nés et duquel on ne peut soustraire sa progéniture. La plage était très peu faite pour les jeunes écoliers. N'était ces sessions de colonies de vacances ou ces excursions dont les scolaires bénéficiaient par le biais de l'école ou le travail de papa, touché par les bienfaits des œuvres sociales de la société nationale qui l'employait... Sinon, c'est le bled, les hauteurs, la poussière, les chemins qui montent et descendent sans jamais finir, tonitruants et vertigineux à souhait. Le village, c'était aussi les sorties en fin de journée, quand le soleil a décliné derrière les hautes montagnes, les visites familiales, les cérémonies de fêtes de mariage, de succès aux examens scolaires, les nuits étoilées et animées de chants et rituels cérémonieux qui collent indéfiniment, sans jamais lasser ni la population locale ni les vacanciers. Et dans le village, pas de grasse matinée ; le réveil se fait automatiquement comme si l'on avait dormi des heures durant, frais et dispo même après une longue veillée dans la fraîcheur des nuits animées d'histoires et fous rires, entre cousins, voisins... et c'est l'odeur, encore elle, de la m'cheoucha, de la galette, du lait de chèvre ou de vache qui vous titille les narines et vous embaume le cerveau... qui précède le régal du palais qui en redemande encore et encore. Car, en montagne, les produits que l'on dit bio aujourd'hui n'étaient pas un fait de mode, mais le contenu journalier de la marmite que la grand-mère ou la tante faisaient mijoter et déjà aux premières heures du matin, et sans viande, s'il vous plaît ! Et avec ça, le goût ! Déjeuner à 11h, dîner à 18h... la digestion avait tout le temps de se faire ! Et allez dire avec ça que les montagnards sont dépassés par le temps, qu'ils sont hors circuit. Alors qui d'eux ou de nous sont ou sommes les plus à plaindre ? Car même si la modernité a gagné à grands pas la campagne, il reste ce bonheur de goûter encore aux charmes d'antan.