Photo : Fouad S. Ouled Allal, une bourgade paisible pas loin de Sidi Moussa (wilaya d'Alger) était sortie effroyablement de son anonymat au cours de la décennie rouge. Son nom alors écumait les Unes de la presse nationale et internationale. Sa notoriété a été bâtie à l'époque sur les malheurs et le sacrifice des siens. Aujourd'hui même si d'autres problèmes, notamment le chômage, ont surgi, les regards sont tournés vers l'avenir et l'espoir est nourri par les dernières décisions prises par le président de la République. Et comme l'a si bien résumé un des habitants : «comme on a pu rétablir la paix, on peut juguler le chômage». Ouled Allal est une bourgade rurale située près de la ville de Sidi Moussa, son chef-lieu de la commune. Ce village, d'une population avoisinant les 3.000 âmes, est sorti effroyablement de son anonymat pendant la décennie rouge. Son nom alors écumait les Unes de la presse nationale et internationale. Sa notoriété a été bâtie à l'époque sur les malheurs et le sacrifice des siens. Avec le rétablissement de la paix, les enfants de Ouled Allal, même si d'atroces stigmates marquent toujours leur mémoire, ils préfèrent tourner cette sombre et tragique page pour reprendre le cours d'une vie normale. Une vie où tout un chacun peut réaliser son rêve sans peur ni désespoir. «L'époque de la tragédie nationale est derrière nous. Depuis l'instauration de la paix que l'on considère ici comme une seconde indépendance, on peut pousser nos veillées dehors jusqu'au petit matin. La peur et la psychose ont définitivement fui Ouled Allal», affirme un habitant de cette commune, rencontré à proximité d'une maison, dont les murs ont été soufflés par la déflagration d'une bombe durant les années 1990. Comme cette bâtisse en ruine mais toujours debout, les villageois d'ici veillent vaillamment à redorer le blason du village. «Certes, ce n'est pas facile, mais nous sommes condamnés à le faire puisqu'il s'agit de notre terre», dira un septuagénaire pour qui Ouled Allal est non seulement le lieu où il habite, mais c'est également là où il se projete dans l'avenir, là où est sa vie. Cette volonté débordante qui anime les villageois pour redonner vie à leur patelin n'a d'égale que l'amertume des années de l'exode massif, dont ils étaient forcés à subir les affres, sous la menace des terroristes, durant la décennie noire. «Avant, on était presque 12.000 à vivre ici. Mais on a été contraints de fuir le village au milieu des années 1990. Les familles ont trouvé refuge alors chez des proches. Pour les moins chanceuses d'entre-elles, la couronne externe des grandes villes étaient devenue leur toit», se rappelle Redouane, un père de famille de 40 ans. Son ami abonde dans le même sens : «Même après que cette contrée ait recommencé à vivre normalement, on ne recense qu'un tiers de la population qui a repris le chemin inverse de l'exode». BIEN DES CHOSES ONT CHANGE Il faut dire qu'après avoir quitté leurs maisons, bien des choses ont changé à Ouled Allal. Nombre de demeures ont été alors détruites. Fatalement, il existe des familles qui n'ont plus de gîte ce qui, d'ailleurs a poussé certaines d'entre elles à louer chez des particuliers. Des procédés pareils, c'est-à-dire, avoir recours à la location pour réintégrer Ouled Allal, ne sont pas apparemment des cas rares. Ceux qui vivaient notamment dans les quartiers communément appelés El Harhar, Estaïfia et El Communal ont été obligés dès leur retour au début des années 2000, de louer chez des voisins, essentiellement des particuliers résident dans un lotissement qui fait office du plus grand quartier du village. A propos de ce lotissement, il y a lieu de relever qu'une action d'amélioration urbaine y a été effectuée récemment, soit moins d'une année. Les ruelles et les artères le quadrillant ont été entièrement enrobées de bitume. «Le goudronnage de nos ruelles a non seulement embelli l'aspect urbain de notre quartier, mais surtout il nous permet enfin de circuler à pied ou en voiture aisément, ce qui n'était pas aussi simple auparavant, particulièrement en période de pluie», observe à ce sujet un habitant. De même qu'avec l'arrivée du gaz naturel, cela a amélioré sensiblement la vie des ménages. «Avec le branchement au gaz naturel, nous nous sommes débarrassés une fois pour toutes des bonbonnes de gaz», reprend-il, avant que son voisin ajoute : «Actuellement notre quartier connaît d'autres travaux qui, une fois réceptionnés permettront à chacun de nous d'avoir son propre compteur d'électricité, car actuellement on se contente de recourir à des branchements auprès des voisins, dont les maisons sont pourvues de ce type d'énergie.» UN TOIT POUR MON FILS Pour autant, même si ces opérations d'amélioration urbaine qui recomposent pour ainsi dire positivement l'aspect de Ouled Allel sont bien accueillies par les habitants, il n'en demeure pas moins que la priorité, selon nos interlocuteurs est la crise de logement qui accable terriblement plusieurs familles. «Les pouvoirs publics ont construit 190 logements. Seulement, faute de moyens financiers, il est très difficile pour nous d'en obtenir, dans la mesure où il faut débourser 250.000 DA», avoue amèrement un homme retraité de Ouled Allal qui loge avec sa famille chez un particulier contre un loyer de 4 000 DA. «Avec un salaire de 12.000 DA et j'ai à la charge une famille de cinq personnes, comment faire ?” Dans ces conditions, il m'est difficile de boucler les fins de mois. Je prive ma famille de beaucoup de choses pour survivre», lâche-t-il. «Moi aussi, je ne touche que 12.000 DA et je loue pour 3.500 dinars. Sincèrement je suis au bout du rouleau. Je prie tous les jours Dieu pour qu'un de mes enfants ne tombe pas malade, car je crains de ne pouvoir le soigner, tant la misère m'assaille de tous les côtés», ajoute un autre locataire âgé de 59 ans. Redouane, un jeune père de famille, raconte, entre deux blagues, le marasme dans lequel se débat sa famille. «Mon père et son frère logent chez leur père, c'est à dire mon grand-père. Mes frères et moi vivons aussi chez notre père. Au final, c'est toute la tribu qui cohabite dans un espace vraiment réduit», résume-t-il. Ce dernier a tenu à nous faire visiter la demeure familiale. Chaque chambre est occupée par une famille. La mienne est la troisième à gauche, celle de mon frère est située en face, elle-même mitoyenne avec celle de nos parents. La promiscuité cadence notre vie, à telle enseigne que même la cuisine et la salle d'eau sont partagées à tour de rôle», renchérit-il. Le souhait de Redouane ainsi que tant d'autres pères de famille, ici à Ouled Allal, est de loger dans un appartement décent. «Nous ne voulons pas que nos enfants subissent le même sort que le nôtre. Nous souhaitons qu'ils vivent heureux dans une maison spacieuse où ils peuvent grandir normalement. Car pour nous, avoir un logement c'est le début d'une vie normale», disent les personnes approchées à ce propos. LE CHÔMAGE, L'AUTRE FARDEAU L'autre fléau qui pèse et empêche l'épanouissement de nombreuses familles à Ouled Allal est, de l'avis de tous, le chômage qui touche la population locale. «J'ai 41 ans, père de famille et je suis sans emploi. Des fois je travaille comme journalier et j'essaye tant bien que mal d'économiser pour faire face aux périodes creuses», confie un habitant du village. Et d'ajouter : «Il y a des citoyens dont la situation financière est pire que la mienne». Et pourtant, Ouled Allal occupe une place stratégique sur le plan économique qui théoriquement peut épargner à ses enfants les affres du chômage, mieux, leur garantir le plein emploi. En effet, enserré dans une poche abondamment fertile de la Mitidja et à moins de cinq kilomètres de la zone d'activité industrielle de Sidi Moussa, Ouled Allal a toutes les prédispositions pour nourrir ses enfants. Seulement sur le terrain, l'évolution des choses a pris une autre direction. Une tournure manifestement à l'encontre des aspirations de la jeunesse. «Mis à part deux ou trois entreprises qui activent encore à la zone industrielle, les autres ont mis la clé sous le paillasson. Par conséquent, il est illusoire d'espérer être un jour embauché. Idem pour l'agriculture, on peut juste être recruté comme saisonnier contre un salaire de 600 dinars par jour, sans aucune couverture sociale. Il y a un manque effroyable en termes d'opportunités d'emplois à Ouled Allal», souligne à ce sujet un chômeur. «Nous passons l'essentiel de nos journées dans les cafés de Sidi Moussa ou carrément à la maison. On n'a pas d'autres alternatives, car on est des chômeurs», lance un jeune fraîchement diplômé d'un centre de formation professionnelle. Son ami également diplômé ajoute : «Nous avons rempli notre part de contrat. Nos diplômes sont dans nos poches, il est temps que les portes du monde du travail nous soient ouvertes». Même si la nature des problèmes diffère d'un jeune à un autre, il n'en demeure pas moins que leur origine est identique, à savoir le chômage. «J'ai 27 ans, je suis au chômage depuis quatre ans. A chaque fois que je sollicite un emploi de travail, on me demandent invariablement de patienter. A vrai dire je ne sais plus où donner de la tête. Le chômage me ronge à petit feu et assombrit davantage ma vie», confie, avec une note de dépit, un chômeur de Ouled Allal.