A l'issue de la 46e tentative parlementaire, jusque-là infructueuse faute de quorum des 2/3, les 128 sont appelés à voter en faveur de l'ancien général maronite et leader du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, fidèle allié du Hezbollah, qui sera porté à la magistrature suprême par le Parlement pour un mandat de six ans non-renouvelable. Pour la première fois, la démarche consensuelle favorise un dénouement heureux pour un nouveau Liban apaisé. Au bout d'un laborieux compromis entre les différents protagonistes, décidés de dépasser leurs divergences pour remettre sur selle un pays livré à l'instabilité et frappé de plein fouet par les retombées de la crise syrienne, les « frères ennemis » de l'Alliance du 8 mars dominé par le Hezbollah chiite et du mouvement sunnite du Courant du futur de l'ancien Premier ministre Saâd Hariri, apportant sa caution au nouveau Président consensuel, ont renoué avec le dialogue pour sortir de la crise politique permanente. « Les deux hommes (Michel Aoun et Saâd Hariri, ndlr) se sont entendus sur la forme. Il ne s'agit pas d'une adhésion aux valeurs et à la personne de Michel Aoun mais d'un soutien aux institutions politiques en état de déliquescence et à l'équilibre de notre pays », a tenu toutefois à préciser Nabil de Freige, ministre de la Réforme administrative et membre du groupe parlementaire du Courant du futur. Mais l'avancée est réelle. Au terme de l'accord, l'ancien Premier ministre, Saâd Hariri, sera inévitablement de retour à la tête du gouvernement, en attendant les législatives prévues à l'été 2017. La remise sur les rails est tributaire du gouvernement d'union nationale traditionnellement confronté à la dure épreuve des négociations pour la répartition des portefeuilles ministériels. Le président du Parlement, le leader du mouvement chiite Amal, Nabih Berri, a d'ores et déjà averti que la formation du gouvernement pourrait prendre « au moins entre cinq et six mois », selon le quotidien libanais al-Akhbar, proche du Hezbollah. Cette étape tout aussi cruciale s'inscrit dans la longue tradition libanaise significative des tiraillements politiques. En 2009, il aurait ainsi fallu cinq mois à Hariri pour former son gouvernement d'union nationale, alors qu'il a nécessité dix mois à l'actuel Premier ministre Tamam Salam pour que son exécutif soit mis en place en février 2014. Il est donc attendu un geste conciliant du Hezbollah pour consolider le consensus libanais. « Nous jouons la carte de l'apaisement. J'espère que le bloc du 8 mars conduit par le Hezbollah en fera de même, et qu'après l'élection, lundi, de Michel Aoun à la tête du pays, il ne bloquera pas la formation d'un nouveau gouvernement », a estimé Nabil de Freige. Le temps des défis qui pèsent sur le destin unitaire du Liban a nourri la prise de conscience des enjeux sécuritaires et de la précarité de la situation socio-économique devenue inquiétante. « Tous les agents économiques sont en chute libre, qu'il s'agisse de nos exportations ou de notre taux de croissance. Avec l'explosion des troubles politiques dans le monde arabe et l'accueil de plus de un million et demi de réfugiés syriens au Liban, la situation devient trop pesante », explique le professeur de sciences politiques à l'Université Notre-Dame-de-Louaizé, Elie al-Hindy. Les attentes sont nombreuses et immenses pour la population confrontée au déficit des infrastructures de base, révélé par la crise du ramassage d'ordure, la fourniture du courant électrique et l'alimentation en eau potable.