Deux semaines après le début de la vaste offensive sur Mossoul, les forces irakiennes sont aux portes de la ville. C'est du front est que les forces d'élite ont pris position dans le quartier périphérique de Judaidat Al-Mufti, selon le centre de commandement de l'armée, pour assurer la « véritable libération de Mossoul » arrachée des mains du groupe terroriste Daech replié à l'ouest du Tigre et, comme l'a indiqué quelques heures plus tôt, triomphateur, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, pris en étau « de tous les côtés ». Dans un déluge de bombes et de roquettes (plus de 3.000) larguées par la coalition internationale, selon son porte-parole, le colonel John Dorrian, l'avancée des forces du contre-terrorisme converge avec la consolidation des positions par les combattants kurdes présents plus à l'est et au nord de la ville. A l'ouest, les forces paramilitaires du mouvement chiite Hachd al-Chaabi ont pris le contrôle de plusieurs villages et se dirigent vers l'autre bastion stratégique de Tel Afar pour couper la route du ravitaillement de Daech avec la Syrie voisine. En ordre de marche, les forces irakiennes se préparent à l'assaut final. Des experts s'attendent à une bataille dure qui sera livrée quartier par quartier, voire maison par maison, hantée par les snipers. Elle ne laisse pas indifférente la communauté internationale qui s'interroge sur le sort des populations civiles confrontées au syndrome d'Alep. Des couloirs humanitaires sont ainsi prévus pour permettre aux civils de quitter la ville, en particulier les « quelque 600.000 enfants », affirme le directeur pour l'Irak de l'ONG Save The Children, Maurizio Crivellaro. De « sérieuses inquiétudes » sont émises par l'ONU sur la situation des milliers de civils utilisés comme bouclier humain par Daech procédant au transport, dans des camions et des bus, de quelque 25.000 personnes de la localité de Hammam-El-Alil vers Mossoul, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme. D'autres informations font également état de l'exécution par Daech d'environ 300 personnes depuis le 25 octobre. Plus de 17.900 personnes ont fui leurs foyers depuis le lancement de la bataille, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM). « Nous nous préparons à présent pour le pire. La vie de 1,2 million de civils est en grand danger et l'avenir de l'Irak tout entier est maintenant en jeu », a déclaré le directeur pour l'Irak du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), Wolfgang Gressmann. Des organisations humanitaires s'activent à élargir la capacité des camps d'accueil d'urgence pour les déplacés pour faire face à la fuite massive des civils. Mais la guerre de mouvement de Mossoul couve une guerre de position qui oppose l'Irak à la Turquie traitée de « force d'occupation ». Baghdad, qui se refuse à toute participation turque à la bataille de Mossoul, a appelé au retrait des troupes turques stationnées sur une base au nord de Mossoul, à Bachiqa, où elles effectuent officiellement des missions de formation auprès de combattants volontaires irakiens sunnites. « Nous ne voulons pas la guerre et nous ne voulons pas d'affrontement », a affirmé mardi dernier le Premier ministre irakien à la télévision irakienne. « Mais en cas d'affrontement, nous sommes prêts. Nous considérerons (la Turquie) comme un ennemi et nous nous en occuperons comme tel », a-t-il prévenu. La tension s'accroît avec Ankara, décidée à jouer un rôle actif et justifiant le déploiement militaire (une trentaine de véhicules transportant notamment des chars et des pièces d'artillerie à Bachiqa) par des « développements régionaux importants ». « La Turquie se prépare à l'avance pour tout ce qui peut arriver », a estimé le ministre turc de la Défense, Fikri Isik, cité par l'agence progouvernementale Anadolu. L'équation turque et la tragédie humanitaire sont assurément les deux grandes inconnues de la bataille de Mossoul.