Le constat est désormais établi : la solution militaire est inopérante. Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a reconnu le risque d'enlisement du conflit libyen inscrit dans la durée et l'incapacité de la coalition «hors aviation américaine» de faire la décision sur le terrain des opérations. La faille technique est là. «Le problème c'est que nous manquons d'informations concrètes et vérifiées sur des objectifs identifiés au sol. Il n'y a pas pénurie d'avions mais pénurie d'identification d'objectifs mobiles », a déclaré Longuet. En conséquence, il a jugé « c'est assurément une faiblesse » de mener un combat aérien « sans information terrestre ». Face à un isolement international de plus en plus croissant, notamment au sein de l'Otan dont les membres refusent de satisfaire aux exigences des va-t-en-guerre, l'irrédentisme a un coût politique. Pour ce qui concerne Paris, engagé dans plusieurs conflits en Afrique et en Afghanistan, le prix de l'engagement financier qui reste dans les limites du budget 2011 (900 millions d'euros dont 50 millions remboursés par les Nations unies) reste tributaire de la « durée des combats ». Le retour fracassant aux réalités incite au pragmatisme dans la recherche d'une « issue pacifique » à l'impasse libyenne. Selon le New York Times, le gouvernement américain a lancé une intense recherche pour trouver un pays pouvant accueillir Kadhafi, sans avoir à le livrer s'il était poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Il pourrait s'agir d'un pays d'Afrique non signataire du Traité de Rome. « Nous avons tiré quelques enseignements de l'Irak, et un des plus importants est que les Libyens doivent prendre la responsabilité du changement de régime, pas nous », a indiqué au quotidien un haut responsable de l'administration Obama. L'après-Kadhafi s'accompagne du déchantement né des couacs de la transition en mal de financement, en Tunisie et en Egypte, et des retombées économiques sur la stabilité de l'économie mondiale. « Une aggravation des conditions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pourrait faire dérailler la croissance mondiale», a affirmé la Banque mondiale. Cette situation alarmante qui a, dans une grande part, justifié la « contre-révolution » au Golfe uni pour mater la rébellion bahreïnie, n'est pas sans conséquence sur le devenir de certains pays vulnérables. Le Tchad qui vit mal le marasme libyen a tiré la sonnette d'alarme. « Cela a des répercussions, a indiqué, lors d'une conférence de presse, le ministre des Finances, Ngata Ngoulou. Le « printemps arabe », objet d'un colloque organisé par le ministère français des Affaires étrangères, ne fait plus rêver. « Il n'est pas possible de penser que la situation va changer en deux ou trois mois dans les pays arabes », a renchéri Taher Odwan, porte-parole du gouvernement jordanien et ministre des Médias et de l'Information. Car, pour lui, « d'aucuns pensent que ce qui s'est passé en Egypte et en Tunisie peut se passer ailleurs mais ce n'est pas le cas ». Le casse-tête libyen en est l'exemple patent. Entre le départ négocié de Kadhafi (le voudrait-il ?) et le refus de toute occupation, réitéré par le Premier ministre britannique, David Cameron, les mirages de l'interventionnisme empruntent à la tragédie irakienne le caractère aventurier et chaotique dénoncé alors par le chef de file du « camp de la paix » représenté par la France de Chirac.