Photo : Fouad S. Au départ, c'était une toute petite imprimerie du centre qui n'avait que quelques titres à prendre en charge, avec l'ouverture médiatique, la Société d'impression d'Alger (SIA) devient, petit à petit un grand complexe éditorial avec des ambitions légitimes, couvrir des parts de marché de l'édition de divers journaux, quotidiens, hebdomadaires, magazines spécialisés et assurer aussi l'édition du livre scolaire. Nous avons rencontré son P-DG, M. Abdelkader Mechat qui nous parle de ce métier passionnant mais aussi de ses difficultés. En somme une aventure qui prendra, mine de rien, des dimensions nationales puisque la SIA aura, par là même occasion pour mission de mettre le journal, en vertu du droit à l'information, entre les mains de tous les lecteurs qu'ils se trouvent au Nord du pays ou dans les localités les plus reculées. A Alger, à Ouargla, à Hassi Messaoud, et pourquoi pas à Bechar et Tamanrasset et ce, au même prix et à la même heure. Un défi qu'essaient de relever au quotidien les 300 travailleurs de ce complexe. M. Mechat, votre entreprise est depuis quelques années un véritable complexe éditorial, quelles sont les étapes de ce succès ? Tout d'abord, il faut rappeler que la SIA que je représente depuis 1995 a pu tirer des centaines de millions d'exemplaires, quant au livre , nous avons réussi en 2000-2002 à éditer quelques 28 millions. La Société d'impression d'Alger, dispose de cinq imprimeries et on peut à ce titre prendre en charge l'édition de toute la presse nationale qu'elle soit publique ou privée. La SIA tire des centaines de milliers d'exemplaires par jour. Début 2011, nous avons pu produire entre 1.200.000 à 1.300.000 livres. La SIA a connu, effectivement un développement prodigieux en matière de l'édition. Mais il ne faut pas perdre de vue, la volonté de l'Etat, d'autant plus qu'on est à la veille de la célébration de la Journée mondiale de la presse, de promouvoir par tous les moyens cette même liberté de la presse. Et là, on peut dire sans exagérer que notre pays, par rapport au reste du continent et du monde arabe, a fait des efforts méritoires en la matière. Il ne faut pas oublier que l'Etat soutient par divers moyens dont le prix d'impression, cette presse, quelle que soit son orientation politique.... Justement, combien de titres assure aujourd'hui votre entreprise ? La SIA assure, à elle seule, 45 % des tirages sur la place publique, soit 110 titres par semaine, si l'on inclut et les quotidiens et les hebdomadaires, et ce dans les deux langues , bien entendu. Et le rôle de l'Etat n'est pas négligeable, prenons l'exemple du coût d'impression. On sait tous que tout a augmenté ces derniers temps, en Algérie plus particulièrement. Les salaires, la facture d'électricité et du gaz, celle de l'eau y compris le papier qui a lui aussi subi des hausses vertigineuses sur le marché international. Ce dernier représente 80 % des charges d'un journal. Mais comme vous pouvez le constater, le journal est toujours vendu aux kiosques à 10 DA seulement depuis plusieurs années. Ce sont des aides indirectes pour les journaux. L'Etat met de l'argent, y'a pas à dire, et puis il y a aussi l'argent de la pub. Le journal est un produit de première nécessité au même titre que la baguette de pain, le sachet de lait. Il assure au citoyen le moyen d'exercer son droit à l'information. Alors pour vous, cette forme d'aide touche sans distinction et le journal à fort tirage et le «petit» journal ? A la SIA, on est parti d'un principe simple, à savoir que les petits et les grands titres sont tous nos partenaires. Si on privilégie les seconds, on perd les premiers même si en réalité, au plan de la rentabilité commerciale, ceux -ci posent effectivement problème. Le petit tirage n'est pas rentable, on le sait. Cela dit, on doit donner la chance à tout un chacun. Cela ne veut pas dire aussi qu'il n' y a pas problème au niveau des rapports commerciaux. Aujourd'hui, après une période vraiment difficile, on commence à notre niveau à régler une fois pour toutes les questions des recouvrements des factures. Un bon travail est fait à ce niveau là et le ministre de la Communication nous a encouragés à tout faire pour récupérer nos créances. Résultat, depuis un an, tout chiffre d'affaires fait avec notre clientèle est automatiquement recouvré. On atteint jusqu'à 120 % de nos objectifs .Cela prouve aussi que les éditeurs, pour leur part, jouent le jeu. Aujourd'hui, on constate que les journaux arrivent jusqu'aux endroits les plus reculés du pays quand bien même, il reste encore à faire dans ce domaine. Y a t-il , à cet effet, un coût supplémentaire, et qui le prend en charge ? Il faut reconnaître une chose, l'Etat a toujours aidé à la bonne diffusion de la presse pour qu'elle atteigne tous les citoyens. Des indemnités étaient allouées aux diffuseurs. Toutefois, le Sud du pays, aujourd'hui nous l'avons pénétré par nous mêmes, c'est-à-dire par nos propres moyens. Nous avons déjà investi dans une nouvelle imprimerie à Ouargla en attendant d'autres encore qui sont au programme. Grâce à cet effort de la Sia, nous avons pu créer de l'emploi sur place et mettre les journaux entre les mains du citoyen au même prix et plusieurs heures avant Alger ou d'ailleurs. A 22 heures le journal est déjà à Ouargla .Il y a bien un coût supplémentaire mais nous essayons de compenser ce "manque à gagner" par une consolidation de nos revenus au niveau du groupe. Est-ce que pour autant le problème de la distribution est définitivement réglé ? Cela est vrai , c'est là qu'il y a un grand problème, la SIA a un projet dans ce sens qu'elle voudrait faire partager avec ses partenaires , les éditeurs, en créant une société par actions qui va se charger de la diffusion de toute la presse. Nous attendons encore un retour d'écoute de leur part. A notre niveau, on est prêt à donner tous les moyens à cette société mixte pour qu'elle puisse remplir sa mission car il y a encore des zones à couvrir. Ceux qui sont dans ce domaine ne sont pas hélas du métier. Ils ne sont pas des professionnels, ils n'ont aucun rapport avec la presse, il faut le reconnaître. A notre avis, il faudrait que les distributeurs puissent eux aussi, comme les éditeurs être soumis à un agrément d'abord puis à l'inscription au registre de commerce. C'est très avantageux car, en contrepartie ceux-ci pourront travailler en toute légalité et prétendre aussi bien à l'aide de l'Etat qu'aux prêts bancaires. Vous avez parlé du Sud, on sait qu'il y a encore du travail, à Tamanrasset par exemple, le journal n'arrive que le lendemain. Nous avons pensé à ce problème, et là aussi deux projets sont en cours, il s'agit de la future imprimerie de Tamanrasset et celle de Bechar. Pour cette dernière ville, le dossier est entre les mains du ministère de la Communication et il est à un stade très avancé. Enfin, au Nord, il y aussi ce type de problème et nous comptons investir ainsi dans la mise en place d'une autre imprimerie propre à Bejaia. Nous avons constaté dans cette région une certaine tension sur la diffusion de la presse nationale. C'est donc trois projets d'imprimeries qui seront mis en chantier dans les jours qui viennent Au delà de cet aspect des impairs de la diffusion, il y a aujourd'hui chez le lecteur et les éditeurs un souci de qualité, de maîtrise de la couleur.... Il faut être franc, en 2010-2011, on a commencé à assister à une baisse de la commande pour la couleur, cela est lié à l'activité économique d'une manière générale, car la couleur est dictée par des besoins marketing et publicitaires .Ceux parmi les éditeurs qui optaient, il y a quelque temps pour 16 pages ne demandent actuellement que huit et ceux qui nous demandaient huit pages en font quatre. C'est une baisse de moitié. Quant aux magazines, nous sommes vraiment en retard. Pour une question simple, le papier pour ce genre de magazine coûte cher et cela va se répercuter tout naturellement sur le lecteur. A combien va t-on lui céder le magazine ? Nous avons eu une petite expérience avec certains titres où nous essayons vraiment de faire de gros efforts pour maîtriser davantage ce aspect de coût. En tous cas rassurez -vous, nous avons dans notre programme d'investissement complémentaire envisagé de développer ce marché avec l'acquisition d'offset , non pas à deux couleurs - comme c'est le cas actuellement - mais à cinq pour pouvoir faire un produit de grand standing. Si on vous suit bien, le prix du papier, les salaires, les charges d'une manière générale, il y a une grande pression sur l'imprimeur que vous êtes. Quel est l'apport de l'Etat à ce sujet ? L'Etat nous a aidé en nous facilitant les bases de notre investissement, par les prêts, c'est tout. Tout ce que nous avons consenti, comme à Ouargla, c'est sur nos fonds propres. A Oued Smar, où nous disposons de 8.000 m2, de hangars, nous allons réaménager toutes ces infrastructures pour les destiner aux activités de stockage de matière première et de produits périssables. On pourrait y faire beaucoup de métiers liés à l'imprimerie, comme la reliure. Et pourquoi pas la production de cartes magnétiques pour la serrurerie. C'est une option de diversification que nous avons retenue au même titre que la production du livre scolaire. Avec des quotas que nous donnerait le ministère de l'Education, on peut mettre à la disposition de nos enfants du Sud (Ouargla et Bechar) des livres à moindre coût et dans les délais. Cette idée de diversification nous replonge dans un vieux rêve, il était question que l'Algérie tire ici même, certains titres de la presse étrangère... En effet, des partenaires nous ont contactés pour ce projet, nous leur avons donné les informations commerciales indispensables. Il s'agit du quotidien le Monde qui envisageait, il y a une dizaine d'années de lancer son édition africaine en direction des pays de l'espace francophone. Nous avons les moyens de le faire et puis c'est plus rentable en terme de diffusion par les compagnies aériennes nationales. Aujourd'hui ce n'est peut être plus une priorité pour nos partenaires mais l'Algérie qui a une vision panafricaine pourrait reprendre cette idée en y mettant sa propre presse, ses grands quotidiens, d'autant plus que nous sommes sur une initiative internationale et prometteuse comme le Nepad. C'est un point de vue sans plus.